BFMTV
Paris Île-de-France

Paris: des élèves de Stanislas rapportent des "abus" et des "dérives" mais dénoncent "un acharnement"

placeholder video
L'établissement catholique privé fait l'objet d'un rapport relatant des propos homophobes, sexistes ou anti-avortement. Une enquête est actuellement en cours.

Habitué au calme et à la discrétion, Stanislas est aujourd'hui sous le feu des projecteurs. Cet établissement catholique privé et huppé du 6e arrondissement de Paris, qui accueille quelque 3.500 élèves de la maternelle aux classes préparatoires, fait l'objet d'un rapport relatant des "dérives" -propos homophobes, sexistes ou encore anti-avortement.

Le document a été remis à l'Éducation nationale le 1er août, Stanislas étant sous contrat d'association avec l'État. Mais il n'avait jamais été rendu public, y compris par Gabriel Attal lorsqu'il était ministre de l'Éducation nationale, malgré un signal d'alerte de parent d'élève, selon Mediapart. Depuis, le site d'investigation en a dévoilé le contenu en intégralité.

Recueillis par BFMTV, des témoignages d'élèves de Stanislas, anciens ou actuels, dépeignent une ambiance stricte et exigeante, tout en tempérant le contenu du rapport. Un document dont les conclusions ne confirment par ailleurs pas les informations parues dans des enquêtes journalistiques présentant un établissement "réac", selon la direction et le diocèse de Paris.

Stanislas: comment sont financées les écoles privées?
Stanislas: comment sont financées les écoles privées?
3:19

Remarques et remontrances à répétition

Marie* a quitté l'établissement en 2007, à l'issue de son année de seconde. Elle avait jusque-là effectué toute sa scolarité à Stanislas. L'ancienne élève décrit une atmosphère pesante et des remontrances récurrentes de la part du directeur de l'établissement, lequel ciblait son comportement ou son accoutrement.

"Il me demandait d'arrêter de faire n'importe quoi dans la rue parce qu'il me voyait traîner avec des garçons", se souvient-elle. "Face à une vingtaine d'élèves, forcément, à la fin, ça commençait à être un peu beaucoup pour moi", à être "embarrassant".

"Je ne voyais pas le problème d’avoir des petits copains à l’époque", surenchérit-elle. Marie soulève alors le problème auprès de ses parents, qui acceptent de l'inscrire dans un autre lycée.

"On essaye de faire le ménage"

Le changement à la tête de Stanislas, opéré en 2015, a, de l'avis des élèves rencontrés, permis de desserrer l'étreinte.

Élodie*, par exemple, "ne nie pas du tout ce qu'il s'est passé, qu'il y a pu y avoir des abus, des dérives". "Mais c'est à la marge", plaide-t-elle. "On essaye de faire le ménage. J'espère que ça va encore être fait."

Mattéo* reconnaît que la question de l'interruption volontaire de grossesse (IVG) a pu être abordée en classe. "On a eu une fois une intervenante qui avait avorté dans sa vie et qui était venue raconter sa souffrance. Mais derrière, il y a toujours eu un débat très clair, qui a permis à tout le monde de s'exprimer", assure le jeune homme.

D'après Julien*, "souvent, les professeurs n'exprimaient pas leur opinion sur la politique, l'homophobie". Globalement, "avec la polémique, on sent un acharnement", déplore un autre élève.

Reste que Stanislas est dans le viseur de la justice. Une enquête a été ouverte à l'automne 2023. Elle porte sur des faits d'"injure publique en raison de l'orientation sexuelle ou de l'identité de genre", après un signalement de l'Inspection générale de l'Éducation nationale. Les investigations sont toujours en cours.

Le lycée Stanislas est situé dans le VIe arrondissement de Paris
Le lycée Stanislas est situé dans le VIe arrondissement de Paris © Creative Commons/Jean-christophe Windland

Amélie Oudéa-Castéra se déporte du dossier

Dans l'attente de clarifications, la mairie de Paris a suspendu temporairement ses subventions à Stanislas. Un financement "obligatoire", qui s'élève à un peu plus de 1,3 million d'euros.

Si la région Île-de-France a reconnu vendredi 19 janvier qu'il "y a eu manifestement des manquements" à l'école Stanislas, elle préserve pour l'heure son financement dans la mesure "où l'État maintient le contrat d'association". Une première enveloppe de 917.000 euros, la plus importante de la région pour une école privée, doit être votée le 31 janvier.

Sur recommandation du président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, Didier Migaud, Amélie Oudéa-Castéra a choisi de se déporter du dossier de l'école Stanislas, où sont scolarisés ses enfants. La ministre de l'Éducation nationale et des Sports avait initié la polémique le 12 janvier en vantant les mérites de l'école privée face au "paquet d'heures non remplacées" dans les établissements publics.

*Les prénoms suivis d'un astérisque sont des prénoms d'emprunt.

Jeanne Daudet et Hortense Gérard avec Florian Bouhot