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Violentes manifestations antigouvernementales au Kirghizistan

Les forces de l'ordre ont ouvert le feu mercredi sur des manifestants rassemblés par milliers à Bichkek, la capitale du Kirghizistan, devant le siège du gouvernement où se trouve le président Kourmanbek Bakiev, à la suite de heurts qui auraient fait des d

Les forces de l'ordre ont ouvert le feu mercredi sur des manifestants rassemblés par milliers à Bichkek, la capitale du Kirghizistan, devant le siège du gouvernement où se trouve le président Kourmanbek Bakiev, à la suite de heurts qui auraient fait des d - -

par Olga Dzioubenko BICHKEK - Les forces de l'ordre ont ouvert le feu mercredi sur des manifestants rassemblés par milliers à Bichkek, la capitale...

par Olga Dzioubenko

BICHKEK (Reuters) - Les forces de l'ordre ont ouvert le feu mercredi sur des manifestants rassemblés par milliers à Bichkek, la capitale du Kirghizistan, devant le siège du gouvernement où se trouve le président Kourmanbek Bakiev, à la suite de heurts qui auraient fait des dizaines de morts.

D'après un caméraman de Reuters, une dizaine de militaires ont tiré sur la foule à l'arme automatique à partir du bâtiment. Une violente fusillade a éclaté et plusieurs explosions ont retenti dans le centre-ville, recouvert d'épais nuages de fumée.

Le chef de file de l'opposition, Temir Sariev, cité par l'agence de presse russe RIA, a fait état d'une centaine de morts. Un médecin d'un hôpital de la ville, Akilbek Ieukebaïev, avait auparavant dit à Reuters qu'il y avait "des dizaines de cadavres, tous avec des blessures par balles",

Des opposants brandissant des drapeaux kirghizes rouge et jaune ont paradé sur la grande place de Bichkek à bord d'un blindé pris aux soldats tandis que d'autre évacuaient des blessés ensanglantés.

Joint par téléphone, le Premier ministre Daniar Oussenov, qui a qualifié les manifestants de "bandits", a assuré qu'il était toujours au travail, tout comme le chef de l'Etat.

"On ne regarde même pas par la fenêtre", a déclaré son porte-parole Kamil Sidikov, contacté au siège du gouvernement.

Un millier de manifestants ont mis à sac les bureaux du procureur général et des militants de l'opposition ont pris le contrôle des locaux de la chaîne de télévision publique KTR.

Temir Sariev a annoncé qu'il allait s'entretenir avec le président. "Nous nous rendons au siège du gouvernement", a-t-il dit par téléphone à Reuters, en précisant qu'il était accompagné de trois autres dirigeants de l'opposition.

"FRAGILITÉ INTRINSÈQUE"

Le chef de file de l'opposition avait été interpellé en début de journée à sa descente d'avion en provenance de Moscou, avec d'autres opposants. Ils ont été libérés lorsque la foule s'est rassemblée devant l'immeuble où ils étaient détenus.

L'état d'urgence a été décrété à Bichkek et dans trois autres villes, où des opposants se sont emparés de bâtiments administratifs.

A Talas, ville du Nord-Ouest où les premiers heurts avaient éclaté mardi, le premier vice-Premier ministre Aklibek Japarov et le ministre de l'Intérieur Moldomousa Kongantiev ont été molestés. Le second a même été forcé à crier: "A bas Bakiev!", disent des témoins.

L'opposition kirghize demande que le président Bakiev, arrivé au pouvoir à la faveur d'une révolte populaire en 2005, s'attaque à la corruption et limoge les proches qu'il a placés à des postes importants.

Lilit Gevorgyian, analyste politique chez IHS Global Insight, juge que les violences politiques vont sans doute se poursuivre dans le pays. "Compte tenu de la détermination affichée ces dernières années (par le président) à concentrer les pouvoirs entre ses mains, on voit mal comment un compromis pourrait émerger", dit-il.

Pays d'Asie centrale peuplé de 5,3 millions d'habitants, le Kirghizistan abrite une base aérienne américaine essentielle pour la guerre en Afghanistan et plusieurs bases russes.

Il bénéficie de l'aide financière de Moscou et de Washington, ainsi que de la Chine voisine, mais reste lourdement dépendant des transferts d'argent en provenance des travailleurs émigrés en Russie. Or cette manne, qui représente 45% du PIB, a fondu de 30% l'an dernier du fait de la crise.

"Le pays présente toujours une fragilité intrinsèque qui, dans un contexte d'effondrement économique, peut facilement conduire à un nouveau cycle de violences. La baisse des transferts est une part importante de l'explication pour les derniers heurts", assure Christopher Grainville, de l'institut de recherches londonien Trusted Sources.

Moscou a lancé un appel au calme. "Nous avons constamment préconisé que tous les désaccords - politiques, économiques et sociaux - se résolvent suivant les procédures démocratiques kirghizes existantes et sans dommages pour les citoyens du Kirghizistan", a déclaré le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Grigori Karassine, cité par l'agence Interfax.

Ban Ki-moon, secrétaire général des Nations unies, qui s'est rendu la semaine dernière à Bichkek, a quant à lui rappelé les autorités au respect des droits de l'homme. "Le secrétaire général est choqué par les morts et les blessés signalés aujourd'hui au Kirghizistan. Il appelle à un dialogue urgent et à la retenue pour éviter de nouvelles effusions de sang", a déclaré son porte-parole, Martin Nesirky, de passage à Moscou.

Jean-Philippe Lefief pour le service français, édité par Gilles Trequesser