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Sécheresse : 12 millions d'Africains menacés par la famine

Un bébé souffrant de malnutrition dans les bras de sa mère à l'hôpital Banadir de Mogadiscio.

Un bébé souffrant de malnutrition dans les bras de sa mère à l'hôpital Banadir de Mogadiscio. - -

« S’il ne pleut pas, on va disparaitre ». Dans la Corne de l'Afrique, 12 millions de personnes sont menacées de famine et des centaines de milliers d'entre eux risquent de mourir de faim si la communauté internationale ne se mobilise pas, préviennent les Nations unies. Témoignages sur place.

Les donateurs internationaux et l'Onu ont été très critiqués pour la lenteur de leur réponse à la sécheresse qui frappe l'Ethiopie, le Kenya, la Somalie, le Soudan, l'Ouganda et Djibouti, la pire depuis 20 ans. Il n'y a pratiquement pas plu depuis 2 ans. Faute de nourriture, jusqu'à 90% du bétail est mort dans certaines parties de la région. Les stocks sont donc très minces et les prix sur le marché, deviennent inaccessibles.
Ce n'est pas encore la même catastrophe qu'en 1991 et ses 200 000 morts Somaliens. Mais il faut agir vite. La réunion de ce lundi à Rome en Italie, a pour but d’alerter les grandes puissances mondiales. La FAO (organisation de l'ONU pour l'agriculture et l'alimentation) demande 120 millions de dollars supplémentaires pour la Corne d'Afrique.
Sans compter qu'un autre dossier est brulant. Les ONG humanitaires ne peuvent toujours pas se rendre en Somalie du Sud, un territoire aux mains des rebelles islamistes.

« Un spectacle désolant, une très grande détresse… »

Christina Lionnet, porte-parole d'Action contre la faim, est au Kenya, où 4 millions de personnes sont désormais menacées par cette sécheresse. Elle témoigne de la situation catastrophique sur place : « Ils n’ont jamais vu une sécheresse pareille, il n’y a plus d’eau, ni de pâturage pour le bétail. Donc on voit les bêtes qui meurent les unes après les autres. Les habitants perdent à la fois une source alimentaire – puisque les bêtes leur fournissaient de la viande et du lait –, et leur principale source de revenus – puisque c’est leur moyen d’existence à eux. Le prix des denrées alimentaires sur le marché est totalement inaccessible. C’est un spectacle assez désolant et vraiment une très grande détresse ».

« S’il ne pleut pas, on va disparaitre »

La sécheresse, ça veut dire quoi au quotidien pour les populations locales ? « Hier, j’ai rencontré une femme qui, il y a quelques mois, avait encore 11 vaches, raconte Christiana Lionnet. Ce matin, elle venait de perdre la septième et il ne lui en restait plus que 4. Elle me disait : c’est pas possible, on ne peut pas continuer comme ça ; s’il ne pleut pas, on va disparaitre ».

« Investir davantage sur une agriculture plus résistante à la sécheresse »

La Corne de l'Afrique est régulièrement affamée depuis une trentaine d'années. Et pour Cristina Amaral, directrice des opérations d'urgence à la FAO, le manque de développement est à l’origine de ces famines à répétition : « On n’a pas encore fait assez dans le développement des systèmes nationaux et des communautés, de façon à ce qu’on puisse investir plus sur une agriculture et sur un système de pâturage plus résistant à la sécheresse. Il faut des variétés adaptées à la sécheresse, des races d’animaux spécifiques, des systèmes de gestion d’eaux et de pâturage, des investissements dans l’irrigation… Il faut des solutions de fond ».

« L'environnement le plus dangereux dans lequel on travaille dans le monde »

Les Nations unies ont décrété cette semaine l'état de famine dans deux régions du sud de la Somalie. Mais le Programme alimentaire mondial (Pam) a prévenu qu'il n'était pas en mesure d'acheminer de l'aide aux plus de deux millions de personnes qui y vivent car ces zones, contrôlées par les milices islamistes d'Al Chabaab, leur sont interdites. « Pour le moment, nous ne parvenons pas à atteindre 2,2 millions d'habitants. Il s'agit de l'environnement le plus dangereux dans lequel nous ayons à travailler dans le monde. Mais des gens meurent en ce moment. Ce n'est pas une question politique, c'est une question de vies à sauver », a expliqué Josette Sheeran, directrice exécutive du Pam.
L'organisation Al Chabaab, qui entretient des liens avec le réseau Al Qaïda, a interdit l'année dernière l'acheminement de l'aide alimentaire dans les régions sous son contrôle.

« On pourrait perdre une génération entière »

La Somalie a été le théâtre de la première intervention d'ingérence humanitaire en 1992, mais l'opération militaire américaine "Restore Hope", lancée sous mandat de l'Onu, n'a pas mis fin à la guerre civile qui déchire le pays depuis vingt ans.
Josette Sheeran a annoncé que le Pam avait reçu des promesses de dons de 220 millions de dollars ces dernières semaines, mais qu'il lui manquait toujours 360 millions de dollars pour boucler son budget jusqu'à la fin de l'année. Les opérations humanitaires sont rendues encore plus coûteuses par la nécessité de parachuter l'aide dans les régions inaccessibles. De retour d'une visite dans un camp de réfugiés à Dadaab, au Kenya, Josette Sheeran a raconté avoir rencontré des mères somaliennes qui ont dû abandonner leurs bébés, trop faibles, pour franchir la frontière. Selon les médecins du camp, la malnutrition chez les enfants a atteint le niveau 4 – un niveau où l'espérance de vie n'est plus que de 40%. « On pourrait perdre une génération entière dans la Corne de l'Afrique », met en garde la directrice du Pam.
La situation en Erythrée, l'un des pays les plus fermés au monde, à la frontière de la Somalie et de l'Ethiopie, est également jugée préoccupante par les experts.