"On se bat pour notre liberté”: ces Géorgiens pro-UE manifestent depuis une semaine contre leur gouvernement

Depuis plus d'une semaine, des milliers de Géorgiens descendent dans les rues de la capitale Tbilissi pour protester contre le pouvoir en place. Ils s'opposent à l'annonce de la suspension jusqu'en 2028 des ambitions de cette ex-république soviétique d'intégrer l'UE par leur Premier ministre Irakli Kobakhidzé.
Et ce, dans un contexte tendu après les législatives du 26 octobre, remportées par le parti au pouvoir du Rêve géorgien mais dénoncées comme truquées par ses opposants.
"On se bat pour notre liberté, parce que nous estimons que nous sommes Européens, on partage les mêmes valeurs, les mêmes objectifs", affirme à BFMTV un étudiant, Irakli.
Il va manifester tous les soirs devant le Parlement contre les positions pro-russes de son gouvernement. "Ici, il y a des étudiants, des professeurs, des personnes âgées, des jeunes, des familles avec des enfants...", énumère-t-il.
"C'est pas le moment d'avoir peur"
Le discours de plus en plus ferme du gouvernement, la dispersion par la force de précédents rassemblements et l'arrestation de plusieurs chefs de l'opposition n'ont jusqu'à présent pas entamé la détermination des manifestants.
Ils étaient de nouveau plusieurs milliers ce jeudi soir, certains brandissant des pancartes sur lesquelles était écrit: "Votre répression vous achèvera", sous le regard de la police anti-émeute, ont constaté des journalistes de l'AFP.

Six des sept précédentes nuits de manifestations à Tbilissi ont été dispersées à coup de canons à eau et de gaz lacrymogène, tandis que des protestataires tiraient des feux d'artifices sur les policiers et tentaient de les aveugler à coup de lasers. Près de 300 personnes ont été interpellées et 143 policiers ont été blessés depuis le début du mouvement, selon le ministère de l'Intérieur.


Pour les anciennes générations, ce qu'il se passe aujourd'hui fait ressurgir le douloureux passé avec la Russie. La tante d'Irakli, Maya, âgée de 68 ans se remémore cette journée du 9 avril 1989 lorsque une manifestation indépendantiste avait été réprimée dans le sang par des chars soviétiques: 20 personnes étaient mortes et plusieurs centaines avaient été blessées.
"En 1989, j'étais juste là, et brusquement, j'ai entendu des bruits étranges, et j'ai vu des hommes masqués qui avançaient vers nous, suivis de chars", raconte-t-elle au micro de BFMTV. "A ce moment-là, ils se sont rapprochés de la foule et ils ont commencé à nous faucher à coup de pelles."
Irakli estime que s'ils veulent avoir "un pays souverain, indépendant et démocratique, c'est ici qu'il faut se battre".
"C'est pas le moment d'avoir peur, c'est le moment de lutter jusqu'à la victoire", abonde-t-il.
Des manifestations ont aussi eu lieu à Batoumi, Zougdidi et Koutaïssi, selon les médias locaux. Le ministère de l'Intérieur a rapporté que cinq personnes avaient été arrêtées à Tbilissi et dans la région d'Imereti.
"Une campagne de terreur et de répression"
Confronté à ce mouvement de protestation, le gouvernement, accusé de dérive autocratique prorusse par ses détracteurs, a encore musclé jeudi sa rhétorique, après l'arrestation la veille de trois meneurs de l'opposition.
"Nous ferons tout le nécessaire pour éradiquer complètement le libéralo-fascisme" de l'opposition, a juré lors d'une conférence de presse le Premier ministre Irakli Kobakhidzé, en accusant à nouveau - sans fournir de preuves - la contestation de fomenter une révolution et d'être financée depuis l'étranger.
Il s'en est également pris au chef de la diplomatie américaine Antony Blinken qui a condamné mercredi la "violence injustifiée" du pouvoir en Géorgie, disant espérer un changement de position avec l'arrivée aux commandes de Donald Trump en janvier.
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a annoncé dans la matinée des sanctions contre 19 responsables géorgiens, dont Irakli Kobakhidzé, et le milliardaire Bidzina Ivanichvili, homme fort du pays accusé de tirer les ficelles de la politique nationale.
Le principal parti d'opposition géorgien, le Mouvement national uni (MNU) de l'ex-président emprisonné Mikhaïl Saakachvili, a dénoncé "une campagne de terreur et de répression".
Le commissaire géorgien aux droits humains, Levan Ioseliani, a pour sa part accusé la police de violenter les manifestants "de façon punitive". Des hauts fonctionnaires géorgiens ont commencé en outre à exprimer leur opposition au gouvernement en claquant la porte.
Le Premier ministre Kobakhidzé a assuré que les Géorgiens l'avaient "mal compris" et que l'intégration européenne "progressait", en dépit du report qu'il a lui-même annoncé.