Qui était l'opposant chiite exécuté en Arabie saoudite?

Une manifestation de soutien à Nimr Baqer al-Nimr, alors condamné à mort, le 18 octobre 2014 à Sanaa, au Yémen. - Mohammed Huwais - AFP
Le chef religieux chiite Nimr Baqer al-Nimr, exécuté ce samedi en Arabie saoudite, était un défenseur charismatique de la minorité chiite et un critique virulent de la dynastie sunnite au pouvoir. Il avait mené en 2011, en plein Printemps arabe, le mouvement de contestation dans l'est de l'Arabie saoudite, où se concentre la minorité chiite qui se plaint d'être marginalisée dans ce pays majoritairement sunnite.
Arrêté en 2012
Le cheikh de 56 ans à la longue barbe grise avait fait des études de théologie en Iran. Considéré comme un "instigateur de l'insurrection", il a été arrêté le 8 juillet 2012 et blessé à la jambe en opposant "une résistance aux forces de sécurité". Son arrestation avait déclenché des affrontements avec la police dans les villages chiites de l'est du royaume, riche en pétrole.
Sa condamnation à mort pour "terrorisme", "sédition", "désobéissance au souverain" et "port d'armes" a été annoncée le 15 octobre 2014 par un tribunal de Riyad. Son frère Mohammed al-Nimr le décrit comme "un homme religieux, humble, qui menait une vie simple, qui le rendait attractif auprès des jeunes". Selon lui, son exécution pourrait provoquer "la colère des jeunes" chiites en Arabie saoudite.
Une figure reconnue chez les chiites
Après son retour d'Iran en 1994, Nimr Baqer al-Nimr était devenu un "faqih", juriste théologien de l'islam, et jouissait d'une "position spéciale et distinguée" auprès des chiites en Arabie saoudite, assure son frère. C'est dans une mosquée d'Awamiya, son village natal, qu'il tenait ses prêches du vendredi, très politiquement engagés. C'est également dans ce village chiite du royaume que les attaques et manifestations contre la police sont courantes.
Il a par ailleurs été brièvement détenu à plusieurs reprises entre 2003 et 2008 pour avoir réclamé la remise en liberté d'activistes, davantage de droits pour la communauté chiite dont le droit des enseignants à exercer dans les écoles, selon son site officiel www.sknemer.com, qui est géré par sa famille.
Mais c'est en 2009 qu'il a commencé à énerver sérieusement les autorités, en appelant à une sécession de l'est de l'Arabie saoudite, une région majoritairement chiite et de sa fusion avec le royaume proche de Bahreïn. -
"Une vengeance personnelle"
Dans un discours en novembre 2011, suite à la mort de quatre chiites dans la Province orientale, le cheikh Nimr avait appelé à "la remise en liberté de tous les détenus au cours de manifestations et de tous les prisonniers de conscience, sunnites et chiites". Au cours des funérailles d'un des manifestants de l'époque, il avait assuré: "nous sommes déterminés à réclamer nos droits légitimes par des moyens pacifiques".
Mais en 2012, une vidéo circulant sur les réseaux sociaux montre Nimr se réjouissant de la mort du ministre de l'Intérieur de l'époque, le prince héritier Nayef. "Que les vers le mangent", disait-il, critiquant également les dynasties sunnites régnantes en Arabie saoudite et au Bahreïn. Le fils de Nayef, Mohammad ben Nayef, est devenu prince héritier l'an dernier. "Il est regrettable que le verdict (de sa mise à mort) prenne davantage des allures de vengeance personnelle" plutôt qu'elle ne soit basée sur une preuve criminelle, a affirmé le frère du leader chiite exécuté.
Le neveu de Nimr Baqer al-Nimr , Ali al-Nimr, dont l'arrestation alors qu'il était mineur avait suscité de vives critiques des défenseurs des droits de l'Homme dans le monde, est actuellement emprisonné et condamné à mort.