Afghanistan: les femmes bientôt exclues des écoles d'infirmières, indignation internationale

Une photo prise le 28 mars 2021, une infirmière s'occupe d'une mère et de son enfant à l'unité d'alimentation thérapeutique de l'ONG « Action contre La Faim » à Lashkar Gah, dans la province d'Helmand en Afghanistan. - Elise BLANCHARD / AFP
Les Afghanes seront-elles très prochainement exclues des écoles d'infirmières ou de sage-femmes? C'est ce qu'ont affirmé auprès de l'Agence France presse plusieurs responsables d'écoles, évoquant la mise en place de ce changement dans les jours à venir.
"Il n'y a aucune circulaire officielle", a expliqué à l'agence une source anonyme au sein du ministère de la Santé afghan. Toutefois, "les directeurs d'établissements ont été informés lors d'une réunion que les femmes ne pouvaient plus étudier dans leurs instituts".
Cette décision émane du guide suprême, Hibatullah Akhundzada, le chef des talibans actuellement au pouvoir en Afghanistan. Le dirigeant d'une école de santé à Kaboul évoquait le 3 décembre une officialisation sous "10 jours" de la mesure.
Cette nouveauté est doublement problématique. D'abord, elle constitue une nouvelle offense aux droits des Afghanes, déjà largement minés par les talibans. Selon Amnesty international, depuis avril 2023, "les talibans ont étendu l’interdiction faite aux femmes de travailler hors de leur domicile aux emplois exercés auprès des Nations unies".
De plus, "les femmes n’étaient toujours pas autorisées à travailler dans le secteur public, sauf dans des domaines comme la santé et l’enseignement primaire, ou encore dans certains établissements liés à la sécurité comme les aéroports et les prisons pour femmes". L'exclusion du domaine de la santé vient donc refermer encore davantage le champ des possibles.
Un projet "intolérable" selon Paris
Les réactions internationales à ces révélations sont vives. L'Organisation des Nations unies a, par la voix de sa mission afghane (Unama), appelé les autorités à "repenser" ce projet en gestation.
"Si mise en œuvre, ladite directive restreindra encore davantage les droits des femmes et des filles à l'éducation et leur accès aux soins de santé", s'est alarmée l'Unama dans un communiqué.
La France est, elle aussi, montée au créneau. Le Quai d'Orsay a dénoncé ce jeudi 5 décembre un projet "intolérable et injustifiable". Dans un communiqué, Paris "condamne dans les termes les plus fermes l’interdiction faite par les talibans aux femmes afghanes d’accéder aux établissements d’enseignement médical".
"Intolérable et injustifiable, cette décision s’ajoute aux innombrables violations des droits des femmes et des filles dont les talibans se rendent coupables depuis leur prise de pouvoir par la force il y a plus de trois ans en Afghanistan. La France continuera de condamner les violations graves et systématiques des droits de l’Homme par les talibans, qui visent à effacer la moitié de la population afghane", martèle le ministère des Affaires étrangères français.
Un péril pour le système de santé
Outre la question sociétale, le changement pourrait provoquer une aggravation des tensions d'un système de santé déjà fragile.
"Au final, cela aura un impact néfaste sur le système de santé afghan et sur le développement du pays", a estimé l'ONU, se disant "extrêmement préoccupée".
L'ONG Amnesty International, qui a fustigé une "nouvelle directive grotesque", affirme que le changement "aura également des conséquences dévastatrices sur la santé des femmes dans le pays, où le taux de mortalité maternelle est l'un des plus élevés au monde".
L'Organisation mondiale de la santé avait déjà alerté en 2023 sur l'impossibilité pour "des millions de personnes" d'accéder aux soins de santé, particulièrement les femmes et les filles.