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L'Arménie, terre de coeur de Charles Aznavour

Un musée Charles Aznavour a ouvert à Erevan en 2011.

Un musée Charles Aznavour a ouvert à Erevan en 2011. - Joël Saget - AFP

Charles Aznavour est mort ce lundi à l’âge de 94 ans. Français d’origine arménienne, le chanteur a entretenu toute sa vie des liens étroits avec le pays de ses parents.

Charles Aznavour, monument de la culture française, était l'un des plus ardents ambassadeurs de l'Arménie, le pays de ses parents dont il a obtenu le nationalité en 2008. Son engagement commence en 1988 après un tremblement de terre dévastateur qui fait 25.000 morts dans la seule ville de Spitak, au nord du pays. Charles Aznavour fonde alors le comité "Aznavour pour l'Arménie" pour collecter des fonds. Avant de se rendre sur place, il écrit la chanson humanitaire "Pour toi Arménie". Elle est enregistrée début 1989 avec 90 artistes (dont Gilbert Bécaud, Johnny Hallyday et Renaud) et se vendra à plus d'un million d'exemplaires.

Son soutien lui vaut d’être nommé ambassadeur permanent en Arménie par l'Unesco. "Jusqu'ici, je disais toujours: ‘Je suis français d'origine arménienne’. Après le choc, je me suis rendu compte que j'étais vraiment d'origine arménienne", confiait à Paris Match celui qui mit les pieds en Arménie pour la première fois dans les années 1960, dans le cadre d'une tournée mondiale.

"Honneur du peuple arménien, gloire pour la France"

"Charles sera l'honneur du peuple arménien, et une gloire pour la France", avait prédit en 1940 Missak Manouchian, chef du groupe FTP (Francs-tireurs partisans) de "L'affiche rouge", exécuté en février 1944 par les nazis. Un sentiment partagé dans sa terre de cœur, où une place porte son nom en plein centre-ville d'Erevan. Une statue a également été érigée en son honneur dans la deuxième ville du pays, Gyumri. L'ancien président arménien Serge Sarkissian voyait en lui "l'Arménien le plus célèbre de la planète". "Charles Aznavour essaie de servir les intérêts de politique étrangère de notre pays et d'être utile à notre patrie", disait-il à propos du chanteur, décoré en 2004 de la médaille de "héros national".

Le "citoyen d’honneur d’Erevan" a également un musée à son effigie: la "Maison Charles Aznavour". Le centre culturel a été inaugurée en 2011 par Serge Sarkissian et Nicolas Sarkozy – alors président de la République – et comprend un musée, des salles de concert et d'exposition et une résidence.

Une icône marquée par le génocide arménien

Le génocide arménien restera une plaie béante tout au long de la vie de Charles Aznavour, né Aznavourian. "Ma famille maternelle a été totalement massacrée...Il n'y a que ma mère et mon arrière-grand-mère qui ont survécu. Elles ont suivi le chemin de la "transhumance" commun à beaucoup d'Arméniens: la Grèce, puis la France", retraçait-il il y a quelques années dans Paris-Match.

En 1975, pour le 60e anniversaire du génocide arménien, Aznavour avait interprété à Paris "Ils sont tombés": "La mort les a frappés sans demander leur âge/Puisqu'ils étaient fautifs d'être enfants d'Arménie", disait le texte. Vingt-trois ans plus tard, Aznavour s'était déclaré "soulagé" après le vote de l'Assemblée nationale reconnaissant "politiquement" au nom de la France "le génocide arménien de 1915", car "tout peuple a le droit d'écrire son histoire et les Arméniens ont été gommés de la face du monde".

Un "rayonnement unique"

Aznavour n'a pas seulement chanté l'Arménie, il l'a aussi jouée. En 2002, le réalisateur canadien Atom Egoyan lui confie le rôle principal dans son film "Ararat", qui traite du génocide arménien. Reconnaissante de la bataille d’Aznavour pour faire reconnaître le génocide, la communauté arménienne de Los Angeles – une des plus importantes du monde – lui attribue en 2016, une étoile d'honneur à Hollywood. "Ce qui m'amuse beaucoup, c'est que la Turquie a raté quelque chose, ils n'ont pas un seul grand chanteur", avait-t-il lancé en recevant cette distinction honorifique. "Ce qui prouve que les génocides ne servent à rien, il y a toujours des survivants".

Charles Aznavour devait accompagner Emmanuel Macron lors du sommet de la Francophonie à Erevan, les 11 et 12 octobre. Selon Europe 1, l'Élysée réfléchit à organiser un hommage au chanteur lors de cette rencontre des chefs d’Etat. Ce lundi, le président de la République a rendu hommage à l'interprète de La Bohème saluant sur Twitter "ses chefs d'œuvre, son timbre, son rayonnement unique". Et d'ajouter: "Nous partageons avec le peuple arménien le deuil du peuple français." Anne Hidalgo, maire de Paris, a quant à elle annoncé qu'elle "proposerait aux élus parisiens qu'un lieu de la capitale lui rende hommage en portant son nom". 

A.L. avec AFP