Ukraine: les visages du nouveau pouvoir

Vitali Klitschko (g.) et Arseni Iatseniouk, les deux principaux leaders de la contestation, au cours de la crise. - -
Qui pour diriger l'Ukraine? Le Parlement, désormais dominé par les opposants au président déchu Viktor Ianoukovitch, doit approuver d'ici mardi un nouveau gouvernement. Jusqu'à l'élection présidentielle, fixée au 25 mai, celui-ci aura pour tâche de gouverner un pays au bord de la banqueroute.

Vitali Klitschko. Champion du monde de boxe catégorie poids lourds, il est l'homme fort du moment. Udar, sa formation pro-européenne, était devenue en 2012 la troisième force du pays. Et l'homme a encore gagné en popularité lors de la contestation, dont il est devenu le porte-parole: son discours méfiant à l'égard des politiciens traditionnels et son engagement contre la corruption généralisée séduisent.
Ses positions modérées lui ont néanmoins valu les huées des manifestants radicaux. Il est également piètre orateur, et certains doutent des capacités de ce nouveau venu en politique, âgé de 42 ans, à diriger un gouvernement. Il pourrait néanmoins faire un président de consensus, surtout après le retour à la Constitution de 2004 où les pouvoir sont plus équitablement partagés entre chef de l'Etat, gouvernement et Parlement.

Ioulia Timochenko. L'égérie de la Révolution orange pro-occidentale de 2004, qui avait déjà entraîné la chute de Viktor Ianoukovitch, a fait un retour triomphal sur la place Maïdan après sa libération de prison samedi. Elle avait été condamnée à 7 ans de prison pour "abus de pouvoir", ses partisans voyaient dans cette peine la revanche de Viktor Ianoukovitch. Symbole de la contestation, son portrait figurait en bonne place sur la place Maïdan tout au long des affrontements.
Mais l'ancienne Première ministre à la célèbre tresse blonde tient aussi une réputation de "dame de fer". Son bilan au pouvoir est mitigé, et elle symbolise les divisions et les querelles de personnes qui ont permis le retour de Viktor Ianoukovitch en 2010. En outre, l'incertitude demeure sur son état de santé: à 53 ans, elle souffre de hernies discales et est apparue en fauteuil roulant après sa libération.

Arseni Iatseniouk. A 39 ans, ce juriste et économiste a connu une ascension politique fulgurante. Ancien ministre de l'Economie et des Affaires étrangères, il a négocié l'entrée de l'Ukraine dans l'Organisation mondiale du Commerce (OMC) et développé les relations avec l'Union européenne. Une expérience qui pourrait s'avérer précieuse alors que l'Ukraine est au bord de la faillite.
Il a en outre repris les rênes du parti de Ioulia Timochenko pendant qu'elle était incarcérée et, pendant toute la crise politique, s'est efforcé d'adopter une posture ferme tranchant avec son image un peu lisse. En janvier, il a notamment refusé l'offre de Viktor Ianoukovitch de devenir Premier ministre d'ouverture.

Oleg Tiagnybok. Le dirigeant du parti nationaliste Svoboda a réussi à s'imposer comme le troisième homme de la contestation, dans la rue comme dans les discussions avec les médiateurs européens. Une réussite, puisque sa réputation d'antisémite lui collait à la peau depuis des déclarations qui lui ont valu en 2004 l'expulsion du Parti social-national.
Ce chirurgien de 45 ans originaire de Lviv, bastion nationaliste de l'Ouest de l'Ukraine, a su capitaliser sur l'organisation et la discipline de son parti et sur un service d'ordre efficace qui a joué un rôle important dans la défense des manifestants.

Olexandr Tourtchinov. C’est lui qui, dimanche, a été élu président par intérim. Le bras droit de Ioulia Timochenko a construit sa carrière dans son ombre: chef des services secrets, il a ensuite été son vice-Premier ministre. Ce pasteur évangélique, également auteur de romans de science-fiction, a pris en main le parti de Ioulia Timochenko après son arrestation, tout en s’effaçant cette fois derrière Arseni Iatseniouk.

Petro Porochenko. A la tête d'une fortune estimée à 1,6 milliards de dollars, il s'est enrichi dans les années 1990 sur les ruines de l’URSS et est aujourd’hui propriétaire d'une grande holding alimentaire. Egalement propriétaire de la chaîne de télévision Kanal 5, il a mis sa puissance financière et médiatique au service de la contestation, et est désormais très populaire.
Ce qui pourrait lui nuire? Son passé. Il est en effet l'un des fondateurs du Parti des régions de Viktor Ianoukovitch, et son ministre de l’Economie.