"Réparer une injustice": les noms de 291 soldats "oubliés" de la Grande Guerre identifiés

Un drapeau français est en berne le 14 novembre 2015 au consulat de France à Genève. - FABRICE COFFRINI / AFP
Léon François Duray, Gabriel Marius Aillan, Eugène Francis Verdan... À l'occasion de la commémoration de la fin de la Première Guerre mondiale, les noms de 291 soldats vont être ajoutés aux 884 noms déjà gravés sur le Monument aux morts du consulat général de Genève, indique France Bleu Pays de Savoie.
Ces soldats, autrefois oubliés, ont été identifiés grâce au travail de deux historiens de l'Université de Genève, sous l'initiative de l'association franco-suisse "Mémoires, pour le souvenir transfrontalier".
Des soldats français et suisses
Ils étaient jardiniers, cavistes, artisans... Ils avaient entre 20 et 35 ans. La plupart sont nés en France, en Savoie ou en Haute-Savoie, d'autres en Suisse ou binationaux. "La grande majorité sont des Français, qui étaient implantés sur sol genevois, et qui ont été rappelés sous les drapeaux à partir d'août 1914", explique à France Bleu Nicolas Ducimetière, le président de l'association Mémoires.
Avant de s'engager sur le front, ces soldats repassent la frontière et reviennent dans plusieurs villes de France pour signer leur acte d'engagement.
"Il y avait évidemment beaucoup d'infanterie, également des chasseurs alpins, d'autres ont même eu des parcours maritimes ou dans l'armée de l'Air", précise Nicolas Ducimetière à la radio locale.
"Mais, leur point commun, c'est bel et bien d'avoir résidé, jusqu'au moment du déclenchement de la guerre, à Genève, ou dans les environs", poursuit-il.
Le travail de mémoire engagé par l'association est parti d'un constat. "On s'est aperçu que le monument d'origine comportait des erreurs manifestes, les bases de données de l'époque étaient toutes faites à la main, sur d'immenses registres, et il y avait des possibilités qu'on ait oublié du monde", justifie Nicolas Ducimetière à France Bleu.
"On était à peu près sûrs que dans les années d'après-guerre, il y aurait eu des gens qui seraient passés entre les mailles du filet", assure le président de l'association Mémoires.
Un travail laborieux
À l'issue d'un travail minutieux mené par Marion Gros et Thomas Cornaz, deux historiens de l'Université de Genève, 291 nouveaux noms de soldats sont identifiés. "C'est un vrai travail d'enquête de retrouver ces identités", souligne Marion Gros au micro de France Bleu.
Pour remonter le fil d'Ariane de chaque soldat, les historiens ont pu s'appuyer sur les archives du ministère français des armées, le répertoire d'état civil ou encore le registre des frontaliers de Genève de l'époque.
Léon François Duray, par exemple, était caporal au 12e bataillon de chasseurs alpins. Il s'était engagé à Annecy, avant de mourir pour la France le 28 décembre 1918, à Loisin, en Haute-Savoie. "Donc il avait déjà été rapatrié avant de décéder", conclut Marion Gros. "Il est mort de la pneumonie grippale, la grippe espagnole".
La tâche n'était pas simple. Parfois, les prénoms de certains soldats, comme celui d'Eugène Francis Verdan, pouvaient apparaître deux fois sur le Monument aux morts, "dans la catégorie engagé volontaire suisse et dans la catégorie Français", détaille Marion Gros à France Bleu. Or, "on est sûrs que c'est la même personne".
"L'Histoire est aussi faite de ça, de toutes ces petites discordances, ces petites erreurs, qui font aussi la richesse du travail historique et de la mémoire", résume-t-elle.
"Réparer une forme d'injustice"
Au total, 1.175 noms enrichissent désormais le Monument aux morts du consulat général de Genève. "Restituer ces identités, c'est un peu à la fois réparer une forme d'injustice pour des personnes qui sont passées dans l'oubli, et permettre un nouveau dialogue entre le passé, ces personnes-là, et le présent, en réactivant une mémoire autour de ce genre d'événements, en faisant vivre ces monuments aux morts d'une autre manière", estime l'historienne.
"Nous avons pensé que cette page d'histoire, qui était terrible, méritait qu'on s'y attarde, et que ces destins brisés par la guerre, méritaient qu'on leur rende enfin l'hommage qui leur était dû ", affirme Nicolas Ducimetière.
Les deux nouvelles stèles comportant les noms des 291 nouveaux soldats identifiés seront dévoilées ce lundi 11 novembre. Elles s'ajoutent au mur de calcaire déjà gravé des 884 noms des combattants français et suisses morts durant la Première Guerre mondiale.