En Italie, Silvio Berlusconi est de retour à 81 ans

Toni Servillo est Silvio Berlusconi dans Loro de Paolo Sorrentino - Capture d'écran YouTube / Universal
A 81 ans, Silvio Berlusconi est de retour sur le devant de la scène politique italienne, à un mois d'élections législatives qu'il compte bien gagner. L'ancien président du Conseil, qui a passé déjà 3.000 jours au pouvoir, s'était pourtant fait discret sur le plan politique depuis sa démission fracassante il y a sept ans.
Ce soir de novembre 2011, les cris de la foule amassée au pied de la présidence, où il rencontrait le chef de l'Etat, ne pouvaient laisser imaginer qu'il reviendrait un jour. "Mafieux", "honte", et "bouffon" fusaient devant le Quirinal. Il a laissé à ce moment-là un bilan très critiqué, alors que l'Italie s'enfonçait dans la crise.
Opération à coeur ouvert
Depuis son départ, comme le rappelle l'AFP, le leader du parti "Forza Italia" s'est débattu avec des problèmes juridiques et de santé. Condamné pour fraude fiscale en 2013, il est toujours inéligible. Il a subi en 2016 une opération à coeur ouvert, a perdu son club de foot du Milan AC et essuyé les attaques du français Vivendi contre son empire médiatique Mediaset.
Ce n'est qu'au cours de l'année passée qu'il est progressivement réapparu sur les plateaux de télévision et sur les réseaux sociaux, à grand renfort de photos en compagnie d'animaux mignons en tous genres. Comme à Pâques, lorsqu'il a posé en train de nourrir un agneau et appelé ses compatriotes à opter pour une menu de fête végétarien. En mai dernier, il a lancé un mouvement animaliste transpartisan avec une députée de Forza Italia, dans le but de capter les voix des quelque 7,5 millions d'Italiens propriétaires d'un compagnon à quatre pattes.
Allié à l'extrême droite
Pour le scrutin du 4 mars prochain, il a pris la direction d'une coalition qui caracole en tête dans les sondages. Silvio Berlusconi s'est associé à la Ligue du nord de Matteo Salvini, xénophobe et proche du Front national, ainsi qu'à Fratelli d'Italia, un parti d'extrême droite héritier du MSI fasciste qui a inspiré sa flamme au FN, et dirigé par Giorgia Meloni.
Au milieu de cette formation politique bigarrée, on retrouve aussi le parti Quarto Polo. Décrit par la presse comme la "quatrième jambe" de la coalition, le petit parti de centre-droite veut attirer les électeurs modérés. Silvio Berlusconi veut lui aussi incarner cette droite, et espère s'attirer les voix d'électeurs qui choisissaient jusque-là le Mouvement 5 étoiles du populiste Beppe Grillo, en perte de vitesse.
Homme-clé des négociations
Ni le Mouvement 5 étoiles ni le Partito democratico de Matteo Renzi ne semblent faire le poids face à eux dans les sondages, et la coalition apparaît comme la seule force capable de l'emporter, même s'il n'est pas dit qu'elle obtienne une majorité de sièges au parlement. Forza Italia recueille actuellement plus de 18% des intentions de vote, contre 13% pour La Ligue de Salvini. Il y a un an, les deux partis étaient respectivement à 12 et 11%. Ce lundi, d'après les derniers chiffres publiés sur La Repubblica, la coalition de droite recueillait 35,9% des voix, contre 29,1 pour celle du centre gauche, et 26,2 pour le Mouvement 5 étoiles.
Tous deux ont passé un accord: celui qui obtiendra le plus de voix aura la charge de désigner le futur chef du gouvernement. A défaut de pouvoir être nommé à ce rôle à cause de son inéligibilité, Silvio Berlusconi pourra jouer les faiseurs de roi si comme en 2013 une grande alliance de gauche à droite s'avère nécessaire. Son accord sera alors indispensable dans les tractations.
"Je sens que l'Italie a encore besoin de moi"
Aujourd'hui, même si Silvio Berlusconi reste haï par une partie de l'opinion publique, son retour est rendu possible par l'affection que lui porte toujours une frange plus âgée de la population, et parce qu'à la faveur de ses difficultés, son image a changé. Il vend aujourd'hui une image de grand-père de la politique, presque providentiel.
"Je sens que l'Italie a encore besoin de moi. Aujourd'hui je ne vois pas de personnalités qui pourraient faire ce que j'ai fait, même s'il existe des personnalités qui peuvent gouverner", a-t-il déclaré lundi dans l'émission Agora, sur la chaîne Rai 3.
Mais ses problèmes ne sont pas terminés pour autant. Fin janvier, il a dû annuler plusieurs déplacements à cause de sa santé, et au mois de mai il sera jugé pour subornation de témoin dans le cadre de l'enquête sur ses soirées "bunga bunga".