En Islande, un cimetière de glaciers disparus en raison du changement climatique

Un cimetière éphémère de quinze glaciers disparus en raison du dérèglement climatique érigé près du Snæfellsjökull, en Islande, le 17 août 2024. - Amy McCaig / Rice University
L'Islande, littéralement "pays de glace", a organisé une sépulture en hommage aux glaciers disparus. Cette cérémonie particulière était orchestrée par des géologues, des glaciologues, des météorologues ainsi que des responsables locaux ou étrangers.
Le 17 août dernier, des sculptures de glace ont été érigées dans un champ près de la mer, avec une vue splendide sur le glacier Snæfellsjökull, non loin de la capitale Reykjavik, en hommage à 15 victimes du réchauffement climatique.
Quinze pierres tombales
Alors que le dérèglement climatique a déjà fait disparaître des milliers de glaciers dans le monde depuis l'an 2000 selon les Nations unies, les noms de 15 d'entre eux ont ainsi été gravés sur des pierres tombales taillées dans la glace par le sculpteur islandais Ottó Magnússon.
Parmi eux, on trouve, par exemple, le glacier du Pizol, en Suisse (2019), d'Anderson aux États-Unis (2015) et le Martial Sur en Argentine (2018) et même un Français, le glacier de Sarenne, en Isère, disparu officiellement en 2023.
Des chercheurs de l'université Rice de Houston (Texas), du Met Office islandais, des géologues et des glaciologues, ainsi que des responsables gouvernementaux mais aussi l'UNESCO et l'Organisation météorologique mondiale (OMM) ont assisté à la cérémonie.

"Élan international"
Parmi les participants, Benoît Chanas, géographe isérois, qui a fait le déplacement jusqu'en Islande pour l'occasion. Il faut imaginer qu'il y avait 15 stèles de forme différente, sur la surface d'un terrain de tennis. Des blocs de glace qui ont évidemment fondu dans la nuit", a-t-il raconté à France Bleu Isère.
"Je voyais petit à petit la stèle se fissurer avec les gouttes à l'intérieur qui tremblaient, c'était émouvant", a-t-il ajouté.
Être présent à cette cérémonie, "c'est partager cet élan international et se dire qu'on n'est pas tout seul dans son coin, et qu'on est tous capables de se mobiliser sur le plan local et sur le plan international", a déclaré Benoît Chanas.
Le "pays de glace" a de moins en moins de glace
"Et même si ces pierres tombales vont fondre – comme leurs homologues glaciaires – nous espérons que la cérémonie et les pierres tombales glacées serviront de rappels poignants que les glaciers du monde sont condamnés au même sort si l’on n’agit pas rapidement", a affirmé Cymene Howe, de l’université Rice, dans des propos rapportés par l'ONU.
L'Islande a déjà perdu 70 de ses 400 glaciers. Le Snæfellsjökull, où a été érigé cet éphémère cimetière, a perdu plus de la moitié de sa taille depuis la fin du XIXe siècle. Ce glacier est bien connu des étudiants en littérature, car il constitue l'entrée du centre de la terre dans le roman de Jules Verne "Voyage au centre de la Terre".

Selon le glaciologue islandais Thorsteinn Thorsteinsson, si tous les glaciers islandais disparaissaient, l'eau de fonte contribuerait à une augmentation d’un centimètre du niveau des mers dans le monde, soit presque autant que tous les glaciers de l'Himalaya.
Le deuxième glacier d'Islande, Langjökull, est très menacé: il n'en restera qu'entre 10 % et 20% en 2100.
"Rien n’indique que les émissions de CO2 diminuent"
Selon les scientifiques, le réchauffement climatique a déjà fait disparaître des milliers de glaciers dans le monde depuis l’an 2000. Au moins la moitié d’entre eux auront fondu d’ici 2100.
"Il est probable que beaucoup d’autres suivront, car rien n’indique que les émissions de CO2 diminuent", a déclaré Hrafnhildur Hannesdóttir, glaciologue au Met Office islandais, en marge de la cérémonie.
L'objectif de cette sépulture est de tirer la sonnette d'alarme, en prélude à l’Année internationale de la préservation des glaciers qui a été désignée pour 2025.