Affrontements avec la police, violences "insensées", communauté roumaine ciblée... Que se passe-t-il en Irlande du Nord?

Le Premier ministre britannique Keir Starmer a condamné ce mercredi 11 juin des violences "insensées" en Irlande du Nord. Six personnes ont été arrêtées et 33 policiers blessés lors de deux nuits de violence, "motivées par des considérations raciale", selon la police citée par le Belfast Telegraph.
Ce mardi soir, des individus se sont à nouveau affrontés avec les forces de l'ordre et ont attaqué des habitations et commerces, principalement dans la ville de Ballymena, a indiqué la police, ajoutant que de "troubles sporadiques" avaient eu lieu ailleurs dans la province britannique, notamment à Belfast.
"Au cours d'une deuxième nuit d'émeutes et de troubles, principalement dans le quartier de Clonavon Terrace à Ballymena, les policiers ont été la cible d'attaques soutenues pendant plusieurs heures, avec de multiples cocktails Molotov, des briques et des feux d'artifice", a également déclaré la police.
Maisons et commerces attaqués
Les violences ont notamment visé des zones où vivent des immigrés roumains dans cette ville de 31.000 habitants située à une cinquantaine de kilomètres au nord-ouest de Belfast. Des incidents ont également été rapportés à Belfast ainsi que dans deux villes à proximité, Carrickfergus et Newtownabbey.
À Ballymena, des commerces et des habitations ont été pris pour cible par des centaines de manifestants, et des véhicules ont été incendiés. La police a utilisé des canons à eau pour disperser les émeutiers.
Ces violences ont été déclenchées après l'inculpation de deux adolescents pour la tentative de viol d'une jeune fille de 14 ans, justement dans la ville de Ballymena.

Lundi soir, un rassemblement en soutien à la jeune victime et sa famille a été organisé. À l'issue, des individus cagoulés ont construit des barricades dans la rue et attaqué des maisons, avant de s'en prendre aux forces de l'ordre, en jetant dans leur direction des cocktails Molotov et des briques, a rapporté la police. Quatre maisons ont été endommagées par des incendies. D'autres habitations et commerces ont vu leurs fenêtres brisées et leurs portes enfoncées.
Une violence "motivée par des considérations raciales"
La police ne souhaite pas communiquer sur l'origine des deux jeunes de 14 ans inculpés pour la tentative de viol. Toutefois, selon les médias britanniques, ils se sont exprimés par l'intermédiaire d'un interprète roumain lors de leur comparution ce lundi au tribunal. C'est cette information qui aurait été le déclencheur des heurts.
"Cette violence était clairement motivée par des considérations raciales et visait une minorité ethnique, ainsi que la police", a déclaré Ryan Henderson, un responsable de la police, en condamnant ces attaques "dans les termes les plus fermes".

"À ceux qui ont été menacés ou touchés par ces violences, je dis: nous sommes avec vous (...). Les actes haineux et la répression populaire ne font que déchirer le tissu social: ils ne résolvent rien et ne servent à personne", a affirmé de son côté le commissaire Jon Boutcher.
"Ces actes criminels mettent non seulement des vies en danger, mais risquent également de compromettre la procédure pénale en cours pour soutenir une victime qui mérite vérité, justice et protection. Ironiquement et de manière frustrante, cette violence menace de faire dérailler la quête même de justice qu'elle prétend remettre en cause", a-t-il déclaré, rapporte le Belfast Telegraph.
La communauté roumaine ciblée
"La nuit dernière, c'était insensé, tellement de gens sont venus ici pour mettre le feu à cette maison", a raconté ce mardi à l'AFP Cornelia Albu, 52 ans, une ressortissante roumaine habitant en face de l'une des habitations incendiées.
"Ma famille a été vraiment effrayée, maintenant il nous faut déménager, car on ne sait pas ce qui peut se passer après cela", ajoute cette mère de deux enfants, employée dans une usine et qui vit en Irlande du Nord depuis 9 ans.
Elle se demande toutefois "si quelqu'un acceptera de les loger car (ils sont) Roumains".

Pour un habitant, Mark, 24 ans, la tentative de viol était "juste une étincelle". "Les étrangers ici ne sont pas respectueux des gens du coin, ils viennent ici sans s'intégrer", a-t-il affirmé. Un autre habitant a accroché un drapeau britannique devant sa maison "par précaution, pour que les gens sachent que ce n'est pas un étranger qui vit ici".
Appels au calme
"Ballymena a une importante population immigrée, beaucoup de gens travaillent dans la ville et fournissent un excellent travail", a déclaré le maire, Jackson Minford.
Les représentants du gouvernement nord-irlandais, composé de quatre partis politiques et dirigé par l'élue républicaine du Sinn Fein Michelle O'Neill, ont condamné ces "violences à caractère raciste" et lancé "un appel urgent au calme" ce mercredi.
"Rien ne saurait justifier ces violences, au cours desquelles des habitants ont été traumatisés et de nombreux policiers blessés", ont fustigé les membres de l'exécutif, au sein duquel nationalistes du Sinn Fein et unionistes du DUP gouvernent de concert.
L'Irlande du Nord a été secouée à l'été dernier, comme d'autres endroits du Royaume-Uni, par des émeutes anti-immigration à la suite des meurtres de trois fillettes dans une attaque au couteau, dans le nord-ouest de l'Angleterre.
La police a indiqué qu'elle pourrait demander des renforts aux forces de l'ordre écossaises et anglaises si la situation ne s'améliorerait pas, en raison du manque d'effectif au sein de la police nord-irlandaise.