Angela Merkel: les ingrédients de sa longévité

Angela Merkel en meeting le 19 septembre 2017. - Odd Andersen - AFP
Les électeurs allemands se sont rendus aux urnes ce dimanche. Sans surprise, pour la quatrième fois consécutive, Angela Merkel a remporté le scrutin, en réunissant 32,5 à 33,5% des suffrages.
De mandat en mandat, Angela Merkel a déjà accueilli quatre présidents français à Berlin. Comment expliquer cette longévité record?
> Une neutralité maximale
Sa stratégie est simple: "elle consiste d'abord à ne pas s'exprimer sur des sujets controversés", explique Barbara Kunz, du Centre d'études des relations franco-allemandes. "Elle évite de prendre position, reste neutre et tranche lorsque le plus gros de la polémique est passé".
Dernier exemple en date, le mariage pour tous: un sujet porté par le parti social-démocrate (SPD), qui a tenu à en faire un thème de campagne. Angela Merkel, qui s'était prononcée contre, a pris tout le monde de court en proposant de soumettre le projet au vote, en juin dernier. Elle en récupère donc les fruits politiques, sans s'investir dans une potentielle polémique. "Et s'il faut prendre des décisions difficiles comme pendant la crise de l'euro par exemple, son ministre des Finances Wolfgang Schäuble joue très bien le 'bad cop'" (le "mauvais flic"), ajoute Barbara Kunz.
> Etouffer ses adversaires à l'extérieur...
Dans le même temps, Angela Merkel en profite pour couper l'herbe sous le pied de ses adversaires: avec le mariage pour tous, le SPD s'est vu déposséder d'une proposition de loi sociétale très symbolique. Même chose avec le salaire minimum, introduit le 1er janvier 2015: "tout le monde garde à l'esprit que c'est sous Merkel que cette réforme est passée. Mais c'est une proposition de gauche", rappelle Barbara Kunz. "Tous les partis qui ont gouverné dans une coalition avec Angela Merkel en ont souffert: elle récupère les victoires des autres et se les approprie". Et profite, au passage, de la faiblesse structurelle du parti social-démocrate pour l'affaiblir davantage.
>... Mais aussi à l'intérieur
Pourtant, Angela Merkel n'a pas toujours pu éviter de prendre position: sur la question de l'accueil des réfugiés, son expression "Wir schaffen das" ("nous allons y arriver"), a été fortement critiquée, notamment parce que la chancelière a tardé à détailler les moyens d'y "arriver". Les événements du 31 décembre 2016 à Cologne ont ravivé un débat devenu délicat.
"A partir de ce moment, les choses ont commencé à se gâter pour elle", se souvient Barbara Kunz. La chancelière inamovible baisse dans les sondages, essuie des critiques – y compris venant de son propre parti. "A l'intérieur de la CDU, les débats deviennent difficiles: une aile du parti réclame une vraie politique conservatrice et se plaint que Merkel mène une politique trop au centre, voire à gauche. Son règne ne sera pas éternel". Mais jusqu'ici, elle est parvenue à éliminer toute concurrence au sein de son propre parti. Objectif réussi: en novembre 2016, sa candidature à un quatrième mandat a à peine fait débat. Revoilà Angela Merkel partie pour une quatrième campagne électorale.
> Jouer la carte de la stabilité
L'année 2016-2017, avec son lot de surprises – le Brexit, l'élection de Donald Trump aux Etats-Unis – est venue enrayer le début de la chute. "Face à une montée du populisme dans le monde, les gens se réorientent vers un centrisme rassurant", selon Barbara Kunz. C'est d'ailleurs là-dessus qu'est basée la campagne électorale de la CDU: "Mutti" (maman) comme elle est surnommée en Allemagne apparaît comme la figure de la stabilité. Souriante sur les affiches, elle est accompagnée d'un slogan: "pour une Allemagne où il fait bon vivre". On la voit également petite fille à trois ans, avec le slogan: "pour une Allemagne où tous les espoirs sont permis".
"La situation économique allemande est favorable", rappelle la chercheuse. "Bon nombre d'Allemands se demandent donc pourquoi il faudrait en changer. Merkel représente aussi cette stabilité-là".
Une stabilité désormais fragile avec l'entrée de l'extrême droite au Parlement: l'AfD a en effet recueilli plus de 13% des voix. "L'AfD a bouleversé le paysage politique, les votes sont répartis entre davantage de petits partis et il devient plus difficile de construire des coalitions", concède Barbara Kunz.
L'Europe pourrait aussi devenir rapidement un sujet de discorde: sur les finances et les institutions, les idées de la chancelière ne sont pas celles d'Emmanuel Macron: l'un défend une certaine solidarité, quand réclame l'autre davantage de contrôle des Etats - deux principes peu compatibles. Pour l'instant, Angela Merkel affiche un soutien prudent au président français. Mais bientôt, Emmanuel Macron pourrait s'affirmer davantage et exiger une réponse claire. Jusqu'à, s'il le faut, déstabiliser la chancelière.
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