Egypte : 14 millions de manifestants, nouveau soulèvement historique contre le pouvoir

Alexandrie, 30 juin 2013 : manifestation monstre, comme à travers toute l'Egypte, pour réclamer le départ du président Morsi. - -
Deux ans après le printemps arabe et la chute de Hosni Moubarak, le peuple égyptien se soulève à nouveau contre le pouvoir en place et n'entend pas lâcher prise. Dans une nouvelle insurrection historique par son ampleur, des millions d'Egyptiens ont manifesté ce week-end pour réclamer le départ du président Mohamed Morsi. Des affrontements entre partisans et adversaires du pouvoir en place ont fait au moins 7 morts et 600 blessés à travers tout le pays.
Lundi matin, le calme est revenue sur la place Tahrir au Caire, épicentre de la contestation, mais l'opposition se prépare à de nouvelles actions pour demander la démission du président Morsi. A l'aube, de jeunes manifestants interdisaient toujours à la circulation la place Tahrir, où environ 500 000 personnes se sont réunies dimanche, mais seuls quelques centaines d'Egyptiens y demeuraient, souvent installés sous des tentes de fortune.
Dialogue de sourds
Un porte-parole de Mohamed Morsi a reconnu que le chef d'Etat avait commis des erreurs, tout en estimant que les manifestations s'étaient dans l'ensemble déroulées pacifiquement, et qu'il s'agissait d'un « nouveau jour de pratique de la démocratie ».
En face, dans l'opposition, les dirigeants du Front de salut national (une coalition de mouvements laïcs) doivent se réunir lundi après-midi pour décider de leur stratégie, après avoir estimé que les manifestations « confirment la chute du régime de Mohamed Morsi et des Frères musulmans ».
Sur une population totale de 84 millions d'Egyptiens, une source militaire a fait état de 14 millions de manifestants dimanche dans tout le pays. Au Caire et à Alexandrie (notre photo), respectivement première et deuxième villes du pays, un million de personnes se sont en tout rassemblées.
Dans la capitale, des centaines de personnes ont attaqué et incendié le quartier général des Frères musulmans, et deux personnes sont mortes au cours de l'assaut, en l'absence de protection policière. Cinq autres personnes ont été tuées au sud du Caire, dans la vallée du Nil.
« Le peuple veut la chute du régime »
Comme au plus fort du soulèvement contre l'ancien président Hosni Moubarak début 2011, la place Tahrir au Caire s'est transformée en mer de drapeaux rouge-blanc-noir, les manifestants scandant « Le peuple veut la chute du régime ».
Un hélicoptère de l'armée, toujours populaire auprès des manifestants pour sa réputation de bienveillance, a survolé la place et a lancé des drapeaux aux manifestants, « par simple geste patriotique et non en signe de soutien politique », selon une source militaire.
D'après certains diplomates, l'armée, qui a gouverné le pays pendant plus d'un an entre la chute de Hosni Moubarak et l'élection de Mohamed Morsi, a manifesté sa réticence à jouer un rôle plus actif, tant que les violences restaient contenues et que la sécurité nationale du pays n'était pas en jeu.
Selon des associations de défense des droits des femmes, des groupes d'hommes ont par ailleurs agressé sexuellement au moins 43 femmes, dont une journaliste étrangère, sur la place Tahrir.
Dérive autoritaire
Les opposants dénoncent une dérive autoritaire du chef de l'Etat et accusent les Frères musulmans de vouloir accaparer tous les pouvoirs et d'avoir trahi les objectifs de la révolution, dont la justice sociale et le respect des libertés individuelles.
D'autres manifestants entendent plus prosaïquement protester contre la dégradation de leurs conditions de vie alors que la situation économique et sécuritaire s'est détériorée depuis la révolution de 2011.
De leur côté, les partisans de Mohamed Morsi, dont 20 000 partisans se sont rassemblés devant une mosquée du quartier périphérique de Nasr City, non loin du palais présidentiel, accusent les manifestants de remettre en cause la légitimité électorale du chef d'Etat, et d'être instrumentalisés par des partisans de l'ancien régime de Hosni Moubarak.
Le chef du parti salafiste Nour, Younis Makhyoun, a lui jugé que les manifestants avaient tort de demander le départ de Mohamed Morsi mais il a appelé le président à faire des concessions et a proposé sa médiation.