Brésil: l'ex-président Lula "ne craint pas" la justice dans l'affaire Petrobras

L'ancien président brésilien Luiz Inacio Lula le 29 octobre 2015 à Brasilia. - Evaristo SA - AFP
Coup de tonnerre au Brésil après l'interpellation de l'ex-dirigeant du pays ce vendredi. L'ancien président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva, entendu par la police dans le cadre de l'enquête sur le scandale de corruption Petrobras, a affirmé lors d'une conférence de presse ne pas craindre la justice mais s'être senti comme un "prisonnier".
"J'avoue que je me suis senti prisonnier ce matin" dans les locaux de la police fédérale situés à l'aéroport de Congonhas, à Sao Paulo, a déclaré Lula au siège du Parti des travailleurs. "S'ils voulaient m'entendre, il fallait juste me convoquer et j'y allais. Je ne dois rien à personne et je ne crains pas" la justice, a-t-il souligné.
L'ancienne icône de gauche qui a gouverné le Brésil de 2003 à 2010 a qualifié la perquisition à son domicile, puis son transfert au siège de la police, de "show médiatique" et de "spectacle pyrotechnique, au lieu d'une enquête sérieuse". Les procureurs "ont rallumé la flamme qui m'habite ! La lutte continue !", a lancé Lula, faisant part à plusieurs reprises de son "indignation". "Ils veulent criminaliser le Parti des travailleurs, criminaliser Lula" parce qu'ils ont peur que l'on reste au pouvoir, a-t-il ajouté.
Une vision plus ou moins partagée par l'actuelle présidente Dilma Rousseff qui a jugé "inutile" l'interpellation de son prédécesseur. "Je fais part de mon désaccord complet sur le fait qu'un ex-président de la République, qui a comparu volontairement à plusieurs reprises pour être interrogé par les autorités compétentes, soit maintenant soumis à une interpellation inutile en vue d'un interrogatoire", a souligné la présidente dans un communiqué.
L'affaire Petrobras: un scandale qui enfle
La police fédérale brésilienne a perquisitionné vendredi chez l'ex-président et l'a placé en garde à vue dans le cadre de l'enquête sur le scandale de corruption Petrobras, a indiqué la chaîne de TV Globo news citant la police. "La police fédérale mène des fouilles et perquisitions chez lui, à l'Institut Lula et chez plusieurs de ses collaborateurs et membres de sa famille", a déclaré José Chrispiniano, attaché de presse de l'ancien président Lula et de la fondation qui porte son nom. Il a confirmé également que Lula avait été emmené par la police pour être interrogé.
Ces mandats de perquisition et d'amener "sont exécutés par la police fédérale pour enquêter sur de possibles délits de corruption et blanchiment d'argent du réseau Petrobras pratiqués par l'ancien président Lula et ses collaborateurs", a écrit dans un communiqué le parquet de l'Etat de Parana chargé de l'enquête sur les fraudes au sein de la compagnie publique pétrolière.
"Faveurs" de la part d'entreprises corrompues
Lula a bénéficié de "beaucoup de faveurs" de la part de grandes entreprises du bâtiment accusées de corruption dans le scandale Petrobras, a déclaré vendredi le procureur Carlos Fernando dos Santos Lima, chargé de l'enquête. Environ 30 millions de reais (huit millions de dollars, Ndlr) constitués de dons et d'honoraires pour des conférences "ont été versés par les grandes entreprises de BTP" à Lula, a-t-il souligné lors d'une conférence de presse à Curitiba (Parana, sud du Brésil).
"Les faveurs sont nombreuses et difficiles à quantifier. Il est plus facile de quantifier les travaux effectués dans l'appartement triplex et la maison de campagne", a souligné le procureur. "Nous sommes en train d'analyser des preuves comme quoi l'ancien président et sa famille ont reçu des avantages" mais "il n'y a aucune demande (pour lui infliger une peine) prison", a souligné le procureur.
Il aurait "reçu de l'argent du réseau Petrobras"
"Il y a des preuves selon lesquelles l'ex-président Lula a reçu de l'argent du réseau (de fraudes) Petrobras par le biais de la restauration d'un appartement triplex et d'une maison de campagne à Atibaia", affirme le parquet, avant de d'ajouter: "On enquête aussi sur des versements faits à l'ex-président par des entreprises impliquées dans l'enquête sur la corruption, à titre de dons présumés et conférences."
Plus tôt, la police avait indiqué dans un communiqué que "près de 200 policiers et 30 inspecteurs des impôts exécutaient 44 mandats judiciaires, dont 33 mandats de fouilles et perquisitions et 11 mandats d'amener dans les Etats de Rio de Janeiro, Sao Paulo et Bahia".
Plusieurs députés ont également été interrogés
Cette opération policière fait partie de la vaste opération "Lavage rapide" lancée en 2014 pour enquêter sur un vaste réseau de corruption monté au sein de la compagnie publique pétrolière Petrobras et qui aurait coûté au moins deux milliards de dollars à la compagnie.
Elle intervient au lendemain d'une avalanche d'accusations de corruption dans le scandale Petrobras avec la déclaration d'un sénateur, selon la presse, impliquant la présidente Dilma Rousseff et son prédécesseur Lula.
Le fondateur du Parti des travailleurs avait été élu en 2002, devenant ainsi le premier président brésilien de gauche. Il avait été désigné personnalité de l’année 2009 par le quotidien Le Monde.