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Boris Johnson est-il vraiment le "Donald Trump britannique"?

Une fresque murale peinte sur un mur à Bristol, Royaume-Uni, durant la primaire républicaine de 2016 aux États-Unis.

Une fresque murale peinte sur un mur à Bristol, Royaume-Uni, durant la primaire républicaine de 2016 aux États-Unis. - AFP - Geoff Caddick

Souvent comparés pour leurs comportements fantasques et tapageurs, les futurs homologues anglo-saxons se distinguent pourtant sur bien des aspects. Ne serait-ce que sur le plan de l'engagement politique.

Deux tignasses blondes, quelques happenings électoralistes un peu tape-à-l'œil, des penchants souverainistes vaguement similaires. Depuis qu'il a remporté la bataille pour succéder à Theresa May à la tête du gouvernement britannique, Boris Johnson est sans cesse comparé à son futur homologue américain, Donald Trump. Comme si les deux hommes étaient voués à s'entendre comme larrons en foire. 

Sur le papier en effet, les astres semblent alignés pour qu'ils soient à même de revitaliser la "relation spéciale" entre leurs pays. Après la période diplomatique délétère que viennent de traverser les grands alliés transatlantiques, les tempéraments de Boris Johnson et Donald Trump donnent le sentiment d'être plus raccords. Pourtant, leurs bagages culturels et politiques diffèrent fondamentalement. 

Ivy League contre Oxford

Il y a d'abord leur cursus universitaire. Le nouveau locataire du 10 Downing Street a coché toutes les cases du parcours d'excellence de l'élite britannique. Bien né, comme Donald Trump, Boris Johnson est passé par le prestigieux collège-lycée d'Eton, point d'étape de 19 Premiers ministres, avant d'étudier à Oxford. Il s'y fait remarquer par son éloquence, son ambition et son bagou. Comme le rappelle un portrait que lui a consacré Le Point, il en a dirigé la plus influente association, la Oxford Union Society.

Donald Trump n'a de son côté pas à rougir de son parcours. Après un passage à l'université Fordham, dans le Bronx, le président américain a effectué un cursus à la Wharton School de l'Université de Pennsylvanie. Une école classée "Ivy League", ce prestigieux label détenu par huit universités du Nord-Est des États-Unis, parmi lesquelles Harvard et Yale. 

Là où Donald Trump s'est avant tout focalisé sur des études dans le secteur de l'immobilier et a passé une part importante de son cursus à travailler pour l'entreprise de son père, Boris Johnson s'est forgé, de l'avis de son proche entourage, une culture très variée. Il maîtrise le grec et le latin, a écrit une biographie de Winston Churchill et a recours, dans ses discours, à des références allant de la Grèce antique à la culture populaire britannique. 

Ancrage politique

La distinction la plus évidente entre les deux personnages se situe sur le plan politique. Depuis les années 1980, Donald Trump a alterné entre le Parti démocrate, le Parti de la réforme et le Parti républicain... en tant que soutien financier, jamais en tant que représentant élu. 

Après une carrière de journaliste au cours de laquelle il affiche son soutien à la politique de Margaret Thatcher, Boris Johnson candidate à la députation sous la bannière du Parti conservateur. D'abord dans le Pays de Galles en 1997, où il échoue, puis en 2001 dans le Grand Londres, où il l'emporte et succède à Michael Heseltine, figure emblématique du parti. 

Le trublion a ferraillé près de 7 ans à la Chambre des communes lorsqu'il se présente à la mairie de Londres, en 2008. Il affronte et défait Ken Livingston, édile sortant issu de l'aile gauche du Parti travailliste. À la tête de la capitale britannique, Boris Johnson s'adapte à la sociologie de son électorat et se fait plus modéré. Il lance un modèle de bus à impériale plus écologique ce qui lui permet - en plus de l'effervescence des JO de Londres - d'être réélu en 2012. 

À la fin de son second mandat, il retrouve son siège à la Chambre et fait volte-face sur la question du Brexit. Initialement favorable à un maintien du Royaume-Uni au sein de l'Union européenne, il annonce en février 2016 qu'il soutient le "leave" et devient le porte-parole officiel de la campagne du Brexit. 

Divergences sur l'immigration

Si ces pas de côté électoralistes l'assimilent vaguement à Donald Trump, ce dernier ne peut se prévaloir d'un quelconque ancrage local en amont de son élection à la présidence des États-Unis. En cela, le magnat de l'immobilier est plus proche d'un Emmanuel Macron que d'un Boris Johnson, si l'on exclut le caractère un peu fantasque du nouveau Premier ministre britannique. 

Par ailleurs, ce parcours n'est pas cranté de prises de position aussi clivantes que celles de Donald Trump. Sur l'immigration par exemple, Boris Johnson a proposé le 13 juillet, durant sa campagne, de faire régulariser le statut des immigrés clandestins présents en Grande-Bretagne. Rien qu'à Londres, il a évalué leur nombre à environ 500.000. Quand bien même l'élu d'Uxbrigde a mis en garde contre l'"effet d'aubaine" dont pourraient profiter certains migrants, il a tenu à défendre le principe de l'immigration, qui dynamise selon lui certaines régions d'Angleterre, notamment sa capitale. 

A contrario, le président américain a bâti sa campagne de 2016 sur deux piliers, le premier étant sa volonté de fermer la frontière séparant les États-Unis et le Mexique. À plusieurs reprises depuis son arrivée à la Maison blanche, Donald Trump a tenu des propos qui ont profondément divisé le pays. Après les émeutes de Charlottesville en 2017, au cours desquelles un suprémaciste blanc a renversé et tué une militante anti-raciste, le chef d'État a évoqué "des torts des deux côtés". Plus récemment, il a invité quatre élues démocrates issues de minorités à "retourner d'où elles viennent". Des positions identitaristes très éloignées, en tout cas pour l'heure, de celles de Boris Johnson. 

Journaliste contre animateur de télé-réalité

Reste, enfin, leurs carrières antérieures à la vie politique. L'un a été promoteur immobilier puis star de télé-réalité, l'autre journaliste, notamment correspondant du Daily Telegraph à Bruxelles. Si, comme le souligne un proche du Britannique interrogé par Le Point, Boris Johnson a bidonné certains de ses articles, il a affiné son euroscepticisme au gré de ses chroniques dans The Spectator

Donald Trump, déjà célèbre pour ses investissements de plusieurs centaines de millions de dollars dans les casinos, dans l'hôtellerie, dans l'immobilier ou dans le sport, a vu bondir sa notoriété lorsqu'il est devenu producteur et animateur, en 2004, de The Apprentice. Une émission qui a popularisé la phrase "You're fired" ("Vous êtes viré", ndlr), prononcée par Donald Trump lorsqu'il éliminait un candidat. 

Deux profils originaux certes, donc, mais dont les constructions personnelles ont peu à voir l'une avec l'autre. Si leurs physiques sont à peu près similaires, notamment leur coiffe blonde, un détail les distingue nettement: celle de Boris Johnson a toujours arboré la même couleur. Donald Trump, initialement châtain, a commencé à se les teindre en blond à partir de la fin des années 1990.

Jules Pecnard