Turquie: un tunnel "posé" sous le Bosphore relie l'Asie à l'Europe

Le "Marmaray", premier tunnel ferroviaire reliant l'Europe à l'Asie en passant sous le Bosphore, a été inauguré mardi. - -
Les autorités turques l'ont modestement baptisé, "le chantier du siècle". Certes, on n'aurait mauvais jeu à contester le gigantisme du "Marmaray", premier tunnel ferroviaire qui relie l'Europe à l'Asie. L'ouvrage fait 14 kilomètres de long et comprend une portion immergée longue de 1.400 mètres. Sa construction a pris neuf ans.
Son ouverture s'est faite mardi à 16 heures françaises, le jour du 90e anniversaire de la fondation de la République turque en 1923. L'objectif est de fluidifier le trafic intercontinental, sur un trajet effectué quotidiennement par plusieurs millions de stambouliotes. Mais d'un autre côté, Marmaray figure parmi ses mégaprojets urbains souvent contestés qui ont nourri la fronde antigouvernementale de juin.
Le rêve des sultans se concrétise pour 3 milliards d'euros
"Marmaray qui était un rêve pendant 150 ans est finalement devenu une réalité", a déclaré le Premier ministre turc et ancien maire de la ville , devant une foule compacte de plusieurs milliers de stambouliotes venus l'acclamer sur la place d'Üsküdar, située sur la partie asiatique d'Istanbul. L'idée, jamais concrétisée, de percer un tunnel sous le Bosphore a été évoquée pour la première fois en 1860 par un sultan ottoman, Abdul Medjid.
Le projet a été relancé dans les années 1990 avec l'explosion démographique d'Istanbul, dont la population a doublé depuis 1998 pour dépasser les 15 millions d'habitants. Le premier coup de pioche a été donné en mai 2004 par un consortium d'entreprises turques et japonaises. Le coût total du projet est évalué aujourd'hui à trois milliards d'euros.
Les travaux devaient initialement être achevés en quatre ans mais ont été longtemps suspendus par la découverte d'une série de trésors archéologiques. Le tunnel, un double tube immergé à plus de 50 m sous le lit du Bosphore, est aujourd'hui enfin achevé. Dans cette région à forte activité sismique, il est censé pouvoir résister à des séismes d'une magnitude de 9 sur l'échelle ouverte de Richter.
Un ouvrage à l'utilité et à la sécurité contestées
Au moment de la cérémonie d'inauguration, à 15 km de là, dans le quartier européen de Beyoglu, la police a dispersé en faisant usage de gaz lacrymogène un rassemblement de plusieurs milliers d'opposants au régime d'Erdogan et procédé à des interpellations.
A Ankara, des dizaines de milliers de personnes rassemblées sur une place centrale pour le jour de la République, ont conspué le gouvernement "fasciste" turc, ont indiqué des témoins.
Certains spécialistes restent dubitatifs quant à la portée réel d'un projet pharaonique, perçu par eux comme une nouvelle preuve de la dérive autoritaire du pouvoir turc.
Depuis des jours, des annonces publicitaires diffusées en boucle sur les chaînes de télévisions vantent les mérites du Marmaray. Mais les détracteurs d'Erdogan l'accusent d'avoir précipité l'inauguration de ce mardi afin de le présenter comme un enjeu avant les élections municipales prévues en mars 2014.
La chambre des ingénieurs et des architectes (TMMOB) a même conseillé aux Turcs de ne pas emprunter cette nouvelle route "pour des raisons de sécurité", un appel rejeté par le maire d'Istanbul, Kadir Topbas, qui jure que Marmaray est sûr.