Guerre en Ukraine: les frappes de drones en Russie, nouvelle stratégie de Kiev?

Un immeuble éventré, les vitres brisées, entouré par un cordon de policiers. Cette scène ne se situe pas en Ukraine mais bien à Moscou, où un drone s'est écrasé pour la deuxième fois contre une tour du centre d'affaires de "Moscou City" dans la nuit de lundi à mardi.
Les Russes commencent presque à s'habituer à ce type d'attaques qui se sont multipliées ces dernières semaines, particulièrement à Moscou mais aussi dans des villes frontalières de l'Ukraine comme Briansk ou Belgorod.
Si les attaques en territoire russe ne sont pas nouvelles - des dépôts de pétrole à Belgorod ont été visés dès avril 2022 -, les frappes se répètent de façon plus régulière ces dernières semaines. Le signe d'un changement de stratégie?
Guerre psychologique
"Toute proportion gardée, il y a une volonté de faire peser sur la Russie la même pression que l'Ukraine subit depuis dix-huit mois, analyse pour BFMTV.com le général Jérôme Pellistrandi, consultant défense pour notre antenne. Mais à la différence des frappes russes en Ukraine, les drones ukrainiens ne s'en prennent pas aux populations civiles.
"En visant un immeuble de bureaux en pleine nuit, on s'assure de ne pas faire de victimes. Tuer des Russes ne ferait que conforter l'argumentaire de Vladimir Poutine", souligne le militaire.
S'il n'y a ni dégâts humains, ni cible militaire détruite, quel est donc l'objectif de ces opérations? "Il s'agit de maintenir une tension. C'est davantage psychologique que militaire", selon notre expert. "Le but est aussi de montrer aux Russes que la guerre est là, chez eux", ajoute-t-il.
L'aspect psychologique de ces attaques se voit aussi au choix des cibles, parmi lesquelles des lieux de pouvoirs comme le Kremlin, attaqué début mai. Voir le cœur du régime poutinien pris d'assaut souligne tout à la fois la capacité de l'Ukraine à frapper en profondeur et les failles des défenses russes. "En terme de symbolique, l'image est très forte", souligne Jérôme Pellistrandi.
L'interprétation du Kremlin est tout autre. Pour Moscou, la stratégie ukrainienne d'harcèlement sur Moscou relève d'un "acte de désespoir" alors qu'"il est évident que la contre-offensive n'est pas réussie".
Changement de communication
Outre la récurrence de ces frappes, c'est aussi la communication ukrainienne qui étonne. Après l'attaque sur le Kremlin, Volodymyr Zelensky avait nié toute implication, affichant son refus de frapper la capitale russe. "Nous n'attaquons pas Poutine ou Moscou. Nous n'avons pas suffisamment d'armes pour ça", avait-il déclaré à l'époque.
Aujourd'hui, Kiev semble plus enclin à revendiquer des opérations au-delà de la frontière. Après le raid du 24 juillet contre Moscou, l'Ukraine a fait savoir via l'Agence France-Presse qu'il s'agissait d'une "opération spéciale du GUR", le renseignement militaire. Une revendication rare qui faisait suite aux promesses de "représailles" de Volodymyr Zelensky après les bombardements sur Odessa.
"Progressivement, la guerre revient sur le territoire de la Russie, dans ses centres symboliques et ses bases militaires, et c'est un processus inévitable, naturel et absolument juste", a déclaré dimanche le président ukrainien, se félicitant d'une guerre qui dépasse le strict territoire ukrainien.
Pour le général Jérôme Pellistrandi, "Volodymyr Zelensky doit aussi tenir compte de son opinion publique. Au bout de dix-huit mois de guerre, il y a une partie des Ukrainiens qui en ont marre de ne faire que subir".
L'Ukraine veille toutefois à ne pas froisser l'allié américain, dont elle attend une livraison d'avions F-16. Washington, qui veut éviter un emballement et une globalisation du conflit, avait déclaré fin mai "ne pas soutenir les attaques à l'intérieur de la Russie".