Indonésie: les producteurs d'huile de palme enfument les villes
Il devient de plus en plus difficile de respirer à Singapour, dans pratiquement toute la Malaisie, et une bonne partie de l'Indonésie. Depuis plusieurs semaines, une épaisse fumée envahit ces pays d'Asie du Sud-Est. En cause, les incendies déclenchés volontairement par les producteurs d'huile de palme indonésiens pour libérer des terres et les rendre plus fertiles.
Cette technique, appelée "agriculture sur brulis", existe depuis la préhistoire. Elle consiste à défricher sommairement un terrain, souvent une forêt, puis à l'incendier, afin que le carbone créé fertilise les terres. Elle serait encore aujourd'hui pratiquée par 300 à 500 millions de personnes, principalement dans la zone tropicale et équatoriale, sur une surface de 1.500 millions d'hectares de terres.
Problèmes respiratoires
Ces dernières semaines, les incendies déclenchés sur les îles de Sumatra et Kalimantan ont provoqué d'importants dégagements de fumée qui ont envahi jusqu'à la Malaisie, pourtant située à plusieurs centaines de kilomètres des zones concernées. L'air est devenu toxique, quasiment irrespirable, confinant les habitants chez eux. Dans certains villages particulièrement touchés, les enfants de moins de cinq ans ont dû être évacués par les autorités.
"Mon fils a des problèmes respiratoires, confie ainsi une mère. Il tousse tout le temps à cause de la fumée. Nous ne reviendrons que lorsque la fumée aura disparu."
Cercle vicieux, les producteurs d'huile de palme sont eux aussi impactés par les conséquences de leurs brulis, comme le racontait RFI il y a quelques jours. La fumée toxique les empêche de travailler leurs terres, et bloque la photosynthèse indispensable à la pousse des palmiers.
Conséquences économiques
L'économie des pays de la région commence donc à souffrir du phénomène. Mi-septembre, le cours de l'huile de palme a ainsi atteint les 500 dollars à la bourse de Kuala Lumpur. Une très mauvaise nouvelle, puisque l'huile utilisée dans l'industrie agroalimentaire sert également de biocarburant.
Et la situation risque encore de s'aggraver puisque le 22 septembre, l'Indonésie a indiqué avoir suspendu ou révoqué les licences de quatre société productrices d'huile de palme. Elles sont soupçonnées d'avoir déclenché certains incendies illégalement afin d'étendre leurs cultures.
Localement, la situation est également difficile, puisque les habitants ne sortent plus pour se rendre dans les magasins. Hawker Rahinor Alina, commerçante à Singapour, a remarqué une baisse de ses ventes.
"Il y a moins de clients ces jours ci. Je pense que les gens font attention. La fumée affecte le commerce."
Dans les aéroports, de nombreux vols ont également été annulés ou retardé en raison de la faible visibilité.
Dégâts environnementaux
Enfin, la faune et la flore de la région sont aussi des victimes collatérales des incendies. Les feux détruisent l'écosystème local, pour un gain de fertilité agricole trop peu élevé, selon plusieurs associations et organismes non gouvernementaux.
L'habitat des orangs-outans, espèce protégée car en voie de disparition, est encore plus menacé. Deux cents d'entre eux ont dû être évacués de l'île de Bornéo, où se trouve un centre de conservation de l'espèce. La déforestation mettait déjà leur habitat en danger, les survivants ne peuvent désormais plus respirer.