Inde: la capitale New Delhi enveloppée dans un impressionnant nuage de pollution

Des automobilistes roulent dans une rue engloutie par le smog à la périphérie d'Amritsar, le 4 novembre 2024. - Narinder NANU / AFP
Depuis plusieurs jours, une brume âcre a englouti New Delhi, la capitale indienne, victime de la pollution atmosphérique. Chaque année, les 30 millions d'habitants de la ville connaissent des pics de pollution durant la saison hivernale, notamment à cause du brûlage des chaumes.
Ce mardi, la concentration de l'air en microparticules PM2.5 - les plus dangereuses car elles se diffusent dans le sang - atteignait 278 microgrammes par mètre cube, selon l'indice IQA. Un niveau 18 fois supérieur au niveau maximal jugé acceptable par l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Certains jours, il peut dépasser jusqu'à 30 fois ce seuil.
"Je n'ai presque pas dormi de la nuit", soupire, fataliste, un ouvrier de 24 ans en patientant devant le service spécialement mis en place par le Ram Manohar Lohia Hospital pour accueillir ceux qui souffrent de difficultés respiratoires.
"Ma poitrine me fait mal à chaque fois que je tousse", décrit-il. "J'ai beau prendre des médicaments, ça ne change rien".
Un smog toxique après Diwali
Depuis le 1er novembre, la pollution atmosphérique s'est aggravée sous l'effet des feux d'artifice lancés à l'occasion de la fête de Diwali, événement majeur de la culture hindoue qui célèbre le triomphe de la lumière sur les ténèbres, malgré une interdiction largement bafouée.
La célèbre porte de l'Inde, un monument aux morts de New Delhi érigé par les autorités coloniales, est enveloppée par ce nuage de pollution, a constaté un photographe de l'AFP.



New Delhi avait pourtant ordonné mi-octobre une "interdiction totale" de la fabrication, du stockage, de la vente et de l'usage des feux d'artifice afin de réduire la pollution atmosphérique. Cette mesure, qui court jusqu'à la fin de l'année, est la plus sévère d'une série de restrictions visant l'usage de pétards, extrêmement populaires en Inde.
La police municipale avait saisi près de deux tonnes de feux d'artifice avant les célébrations, mais ils restaient facilement disponibles à la vente dans les États voisins. Les forces de l'ordre sont souvent réticentes à agir contre les contrevenants, compte tenu de la dimension religieuse de ces feux d'artifice et pétards pour Diwali.
1,67 million de morts en 2019
Les nombreuses initiatives du gouvernement indien, comme une campagne suggérant aux automobilistes de couper leur moteur aux feux rouges, n'ont pas permis de faire reculer la pollution qui baigne sa capitale.
À la tête de la clinique spéciale de l'hôpital Ram Manohar Lohia, le Dr Amit Suri a observé après Diwali une hausse de 20 à 25% du nombre des cas d'affectation respiratoire.
"La plupart des patients viennent en se plaignant de toux sèches, d'irritation de la gorge ou de larmoiements. Certains souffrent aussi d'éruptions cutanées", décrit le Dr Suri à l'AFP.
Selon l'OMS, la pollution atmosphérique peut causer des maladies cardiovasculaires et respiratoires ainsi que des cancers du poumon. Une étude publiée dans la revue médicale Lancet a attribué à la mauvaise qualité de l'air la mort de 1,67 million d'Indiens en 2019.
Une autre, sortie en juin dans le Lancet Planetary Health Journal, a estimé que la pollution était responsable de 7% de la mortalité dans les dix plus grandes villes indiennes. À New Delhi, ce chiffre atteint 11,5%, soit 12.000 morts par an.
Malgré ces données alarmantes, une large partie de la population de la ville, aux revenus modestes et sans assurance santé, n'a pas les moyens de se protéger. "Les médecins m'ont demandé de ne pas sortir et de ne pas respirer l'air pollué, mais comment je vais faire pour vivre si je ne sors pas ?", interroge Kanshi Ram, 65 ans, un ouvrier qu'une forte toux a empêché d'aller travailler ces jours-ci. Il gagne 500 roupies (un peu plus de cinq euros) par jour.
Le mois dernier, la Cour suprême, la plus haute instance judiciaire du pays le plus peuplé de la planète, a ajouté l'air pur à la liste des droits humains fondamentaux et ordonné en conséquence au gouvernement d'agir.