Fille ou garçon? Hong Kong au coeur d'un trafic de sang de femmes chinoises enceintes

Laboratoire d'analyses sanguines (illustration) - FRANCK FIFE / AFP
Pour lutter contre les avortements sélectifs, la Chine interdit les analyses du sang maternel permettant de connaître le sexe des foetus. Mais des intermédiaires ont trouvé la parade, en envoyant illégalement les échantillons à Hong Kong.
Pékin s'est engagé en 2015 à éradiquer ce trafic qui prospère du fait de l'ardent désir des parents de savoir s'ils auront un garçon ou une fille, ce qui est un héritage de l'ancienne politique de l'enfant unique. Mais des dizaines de personnes prêtes à organiser la contrebande vers l'ex-colonie britannique proposent ouvertement leurs services les réseaux sociaux, pourtant très surveillés.
Arrêtée avec 142 flacons de sang
Se posant comme client potentiel, un journaliste de l'AFP a contacté en Chine trois agents qui ont proposé d'arranger des rendez-vous dans des laboratoires ou d'organiser le transport d'un échantillon de sang vers Hong Kong, où les analyses de sang pour connaître le sexe d'un enfant sont légales, pour 580 dollars (520 euros).
Contre paiement d'un acompte, le client se voit remettre un kit d'analyse par l'entremise d'un coursier. Certains agents conseillent une application permettant de faire venir à domicile une infirmière pour la prise de sang. Le client n'a plus qu'à envoyer l'échantillon à Shenzhen, dans le sud du pays. Là, des contrebandiers le feront illégalement entrer dans l'ex-colonie britannique.
Aucun des agents n'a dit comment l'échantillon passait la frontière. Mais tous ont assuré qu'il arriverait sans problème à destination. En février, une fille de 12 ans a toutefois été arrêtée à la frontière, avec 142 flacons de sang de femmes enceintes dans son sac à dos.
Une pratique "éthiquement inacceptable"
Ce trafic pose la question de l'attitude des laboratoires hongkongais qui risquent leur agrément puisque les règlements locaux interdisent les analyses de sang sans ordonnance d'un médecin local. Il est par ailleurs illégal d'expédier ou de transporter hors de Chine des échantillons de sang sans un permis spécial. Côté hongkongais, l'importation de sang n'est interdite que si est soupçonnée la présence d'agents infectieux.
Le département hongkongais de la Santé a indiqué que le nombre d'enquêtes ouvertes avait triplé depuis 2016. Mais faut de preuve, aucune n'a pu être judiciarisée. Le député hongkongais Kwok Ka-ki, lui-même médecin, a quant à lui exhorté l'exécutif à coopérer avec Pékin pour démanteler les filières.
"D'un point de vue éthique c'est totalement inacceptable car cela contribue à encourager les avortements sélectifs", estime-t-il. "Les avortements sélectifs sont responsables de nombreuses tragédies en Chine et d'un déséquilibre de la population. Comment peut-on cautionner?", s'interroge-t-il.
31,6 millions d'hommes de plus que de femmes
Hors impératif médical, tester le sang de la mère pour connaître le sexe du foetus est interdit en Chine où, après des années d'avortements sélectifs, il y a aujourd'hui 31,6 millions d'hommes de plus que de femmes. L'an dernier, on dénombrait encore, pour la naissance de 100 filles, celle de 115 garçons.
Après avoir imposé à partir de 1979 aux couples de n'avoir qu'un seul enfant afin de limiter la croissance de la population, le gouvernement leur permet depuis 2016 d'en avoir deux. Cela n'a pas entamé l'espoir d'avoir un garçon plutôt qu'une fille, notamment chez les couples déçus du sexe de leur aîné.