Anders Behring Breivik évoque "deux autres cellules"

Anders Behring Breivik, qui a reconnu l'attentat à la bombe d'Oslo et la tuerie de l'île d'Utoya, a déclaré lundi à un juge norvégien avoir agi pour sauver l'Europe d'une invasion par les musulmans et dit que son organisation comportait "deux autres cellu - -
par Johan Ahlander et Aasa Christine Stoltz
OSLO (Reuters) - Anders Behring Breivik, qui a reconnu l'attentat à la bombe d'Oslo et la tuerie de l'île d'Utoya, a déclaré lundi à un juge norvégien avoir agi pour sauver l'Europe d'une invasion par les musulmans et dit que son organisation comportait "deux autres cellules".
Breivik avait auparavant déclaré avoir agi seul et la police n'a pas fait état d'autres suspects dans les attaques perpétrées vendredi qui ont plongé le pays en état de choc.
Elle a ramené à 68, contre 86 précédemment, le nombre de victimes lors de la fusillade d'Utoya. Le bilan de l'attentat à la bombe dans le quartier des ministères à Oslo s'est alourdi à huit morts portant le dernier bilan des attaques à 76 victimes.
Les propos de Breivik ont été repris par un juge, Kim Heger, lors d'une conférence de presse tenue après une audition à huis clos. Le juge a dit avoir ordonné la mise en détention provisoire à l'isolement de Breivik pour une durée de huit semaines, comme l'avait requis le ministère public.
Ce délai doit permettre la poursuite des investigations, notamment sur ses déclarations concernant "deux autres cellules".
Une foule en colère attendait Anders Behring Breivik à son arrivée au tribunal d'Oslo.
"Sors de là! Sors de là!", a hurlé Alexander Roeine, âgé de 24 ans, en tapant sur une voiture en pensant à tort qu'elle amenait Breivik, que la police a fait entrer dans le palais de justice par une porte dérobée.
"Tout le monde ici veut qu'il meure" a dit Roeine, ajoutant qu'il connaissait l'une des victimes.
Breivik avait fait savoir, par son avocat, qu'il entendait utiliser cette première comparution pour expliquer les motifs de ses actes. Si cette tribune lui a été refusée, le juge Heger a donné devant la presse un compte rendu de ses déclarations.
L'agresseur a dit avoir voulu s'en prendre au Parti travailliste, au pouvoir en Norvège, parce qu'à son avis il avait trahi le pays.
En massacrant sur une île des dizaines de membres des jeunesses travaillistes, il a voulu porter un coup d'arrêt au recrutement de nouveaux membres au sein de ce parti, qui, selon lui, favorise la venue massive de musulmans en Norvège.
L'homme a dit en outre que "l'objectif de l'attaque était d'adresser un signal fort à la population" et a ajouté vouloir éviter que l'Occident ne soit contrôlé par les musulmans.
HOMMAGE AUX VICTIMES
Des milliers de Norvégiens ont respecté une minute de silence à la mi-journée à la mémoire des victimes.
Un murmure d'applaudissements a parcouru la foule lorsque le roi Harald est arrivé à l'Université d'Oslo pour signer le livre de condoléances ouvert pour les victimes et leurs proches.
Le roi, la reine et le Premier ministre, Jens Stoltenberg, ont ensuite gravi les marches du bâtiment néo-classique avant de respecter cette minute de silence. "En souvenir des victimes, je déclare une minute de silence dans tout le pays", a dit le chef du gouvernement, vêtu de noir. Deux torches brûlaient de part et d'autre du couple royal et du Premier ministre.
De nombreux Norvégiens s'étaient donnés rendez-vous devant la cathédrale d'Oslo, où un tapis de fleurs recouvrait le parvis. Les voitures se sont immobilisées et les conducteurs sont sortis dans la rue, se tenant debout sans le moindre geste.
Le silence s'est étiré pendant cinq bonnes minutes.
Des hommages similaires ont eu lieu au même moment en Suède, en Finlande et au Danemark, signe du choc que ressent la Scandinavie depuis le carnage de vendredi.
Dans un document de 1.500 pages mis en ligne sur internet avant le massacre, Breivik, âgé de 32 ans, expliquait pourquoi la violence était nécessaire pour sauver l'Europe de l'islam, de l'immigration et de multiculturalisme.
Sil devait survivre à ces attaques et était arrêté, cela "marquerait la début de la phase de propagande", écrivait-il.
"Il a été actif politiquement et a découvert par lui-même qu'il n'obtenait pas de succès par les moyens politiques habituels et il a opté pour la violence", a déclaré son avocat, Geir Lippestad.
DÉBAT SUR L'IMMIGRATION EN SOURDINE
La décision du juge de décréter le huis clos intégral a été prise alors que l'opinion publique norvégienne s'était insurgée devant le risque de voir Breivik utiliser sa comparution comme une tribune pour développer ses thèses.
Plus de 60.000 personnes se sont inscrites sur une page Facebook pour réclamer le huis clos pour la première comparution de l'auteur du pire massacre commis en Norvège depuis la Seconde Guerre mondiale.
La peine maximale de prison en Norvège est de 21 ans mais peut être prolongée en cas de risque de récidive. "En théorie, il peut passer le restant de ses jours en prison", estime Staale Eskeland, qui enseigne le droit pénal à l'université d'Oslo.
La presse norvégienne s'est attachée au sort des victimes. "La Norvège unie dans la douleur", titre Aftenposten, premier quotidien du pays avec en Une une photo de la place centrale d'Oslo couverte de fleurs et de bougies allumées.
Le débat sur l'immigration qui montait dans la perspective des élections municipales de septembre devrait retomber, estiment des analystes, la classe politique cherchant à prendre ses distances avec les thèmes développés par Breivik et à renforcer au contraire l'image d'un peuple ouvert et pacifique que les Norvégiens veulent donner d'eux-mêmes.
Les responsables politiques se sont accordés à reporter à la mi-août le début de la campagne électorale pour ce scrutin, selon l'agence norvégienne NTB.
Le nombre d'immigrants a presque triplé en Norvège de 1995 à 2010 pour atteindre près d'un demi million. Le Parti du Progrès, dont Breivik a été un temps membre avant de le quitter, s'est imposé comme la deuxième formation politique au Parlement après les élections de 2009 en faisant de la lutte contre l'immigration son cheval de bataille.
Marc Joanny pour le service français, édité par Gilles Trequesser