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Garde nationale déployée, arrestations, policiers blessés... Tout comprendre aux affrontements en cours à Los Angeles

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Los Angeles connait depuis le vendredi 6 juin des affrontements entre forces de l'ordre et manifestants vent debout contre la politique migratoire de Donald Trump. Ce dernier a déployé dimanche des militaires de la Garde nationale.

Nouvelle nuit de tensions à Los Angeles. La ville connait depuis trois jours des affrontements entre forces de l'ordre et manifestants contre la politique migratoire de Donald Trump. Pour rétablir "l'ordre", le président américain a déployé ce dimanche 8 juin des militaires de la Garde nationale, contre l'avis des autorites locales.

• Quelle est la raison de ces affrontements?

Les heurts ont débuté dans l'après-midi de ce vendredi 6 juin à Los Angeles, où réside une importante population hispanique, quand des agents de la police fédérale de l'immigration (ICE) ont procédé à des arrestations musclées d'immigrés.

Celles-ci ont été menées dans un contexte où Donald Trump a érigé la lutte contre l'immigration clandestine en priorité absolue. Le président américain communique abondamment sur les arrestations et expulsions d'immigrés, évoquant une "invasion" des États-Unis par des "criminels venus de l'étranger".

Menées jusque dans des tribunaux du pays, ces expulsions ont plongé dans la terreur des millions d'immigrés sans statut légal. Des manifestants ont tenté de s'opposer aux arrestations, donnant lieu à de premiers rassemblements et affrontements avec les forces de l'ordre.

"Nous devons défendre notre peuple", a déclaré à l'AFP une femme, elle-même fille d'immigrés. "Qu'importe que nous soyons blessés, qu'ils nous gazent, ils ne nous arrêteront jamais. Tout ce qui nous reste, c'est notre voix."

35 ressortissants mexicains ont été arrêtés au cours des récentes opérations, a annoncé dimanche la présidente du Mexique Claudia Sheinbaum, appelant les États-Unis à les traiter avec dignité. Ce sont "des hommes et des femmes honnêtes qui sont allés chercher une vie meilleure (...) Ce ne sont pas des criminels", a-t-elle insisté lors d'un discours public.

• Pourquoi la garde républicaine a été déployée?

Les affrontements se sont poursuivis samedi, embrasant des quartiers de Los Angeles, comme Paramount, une banlieue hispanophone de la ville californienne, ou encore Compton.

Pour "remédier à l'anarchie", la Maison Blanche a annoncé la même journée le déploiement de 2.000 militaires de la Garde nationale, via la signature d'un mémorandum présidentiel. "Vous avez des gens violents, et nous n'allons pas les laisser s'en sortir", a déclaré Donald Trump à des journalistes avant d'embarquer dans son avion, quelques heures après l'arrivée dimanche de premiers militaires de cette force armée de réserve dans la mégalopole californienne.

"Ce ne sont pas des manifestants, ce sont des fauteurs de troubles et des insurgés", a tonné le président sur son réseau Truth Social dimanche en dénonçant "les émeutes en cours".

Il a également indiqué qu'il n'excluait pas l'envoi de troupes ailleurs aux États-Unis en cas de besoin. La Garde nationale, force armée de réserve, est le plus souvent mobilisée lors de catastrophes naturelles.

Elle joue un rôle militaire unique aux États-Unis, à savoir servir à la fois l'État fédéral et les États. Selon son site, la Garde nationale est "à l'écoute du gouverneur et prête à défendre la patrie à tout moment et en tout lieu".

En 2020, Donald Trump avait demandé le déploiement de la Garde nationale en Californie pour des troubles civils, à la suite des violentes émeutes provoquées par la mort de George Floyd, mais en sollicitant les gouverneurs. Plusieurs avaient refusé d'envoyer des troupes.

Mais ce samedi, la décision de déployer la Garde nationale est seulement revenue à Donald Trump, fédéralisant les troupes. Cette décision unilatérale est loin d'être anodine aux États-Unis.

Selon CNN, c'est une première depuis 1992. Cette année-là, le 1er mai, George H. W. Bush avait invoqué l'Insurrection Act pour déployer les troupes face à une ville de Los Angeles qui s'était embrasée après l'acquittement de quatre policiers blancs, accusés d'avoir passé à tabac un automobiliste noir, Rodney King. Les émeutes avaient duré six jours, fait plus de 50 morts, 2.300 blessés et donné lieu à plus de 11.000 arrestations.

• Comment les autorités locales ont-elles réagi?

Cette décision a été très mal reçue par le gouverneur démocrate de Californie. Gavin Newsom s'était opposé à une telle mesure, la qualifiant de "délibérément incendiaire" et assurant qu'elle ne ferait "qu'aggraver les tensions".

"Je l'ai appelé l'autre soir. Je lui ai dit: 'Écoutez, vous devez vous occuper de ça. Sinon, j'envoie les troupes'. Et c'est ce que nous avons fait", a commenté dimanche le président.

"Nous n'avions pas de problème jusqu'à ce que Trump s'en mêle", a écrit Gavin Newsom sur X, dimanche, dénonçant "une atteinte grave à la souveraineté de l'Etat" de Californie et demandant au président d'annuler le déploiement des troupes.

Les gouverneurs des États démocrates ont fustigé dans un communiqué commun un "abus de pouvoir alarmant".

• Où en est la situation après trois jours d'affrontements?

La situation est restée tendue dans la nuit de dimanche à lundi, avec des affrontements entre forces de sécurité et des petits groupes d'individus souvent masqués. La police de Los Angeles (LAPD) a annoncé sur X que le centre-ville a été déclaré zone de rassemblement interdit, tout comme une zone du quartier d'affaires.

Des images aériennes diffusées par la télévision montraient de nombreuses voitures de police roulant en cortège dans des rues désertes du centre-ville et des forces de l'ordre positionnées aux carrefours, mais aussi quelques face à face avec des petits groupes de manifestants, dispersés en différents petits groupes mobiles, selon le journaliste d'ABC7 survolant la ville en hélicoptère.

Plus tôt dans l'après-midi, des dizaines de manifestants ont bloqué une autoroute pendant plus d'une heure, dans un face à face tendu avec les forces de l'ordre, qui ont procédé à quelques arrestations et fait usage de gaz lacrymogènes, y compris contre des journalistes. Une journaliste pour une télévision australienne a été touchée sans gravité à la jambe par un projectile en caoutchouc tiré par la police dans le centre-ville, selon les images circulant sur les réseaux sociaux et son employeur, 9news.

La police de Los Angeles a indiqué que les forces de l'ordre avaient arrêté au moins 56 personnes en deux jours, et que trois de ses membres ont été légèrement blessés. Selon le directeur adjoint de la police fédérale (FBI), plusieurs personnes ont également été arrêtées à New York, lors de manifestations similaires contre la police de l'immigration.

La police de San Francisco a annoncé de son côté avoir interpellé dimanche en fin de journée une soixantaine de personnes lors de heurts avec des manifestants contre la politique américaine de lutte contre l'immigration.

La situation a dégénéré lors d'une manifestation quand plusieurs participants "sont devenus violents", s'en prenant notamment à différents bâtiments et une voiture de police, a dit la police locale (SFPD) sur X. Deux policiers ont été blessés.

Emilie Roussey avec AFP