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"Il faut protéger les femmes": un triple "narco-féminicide" provoque l'indignation en Argentine, sept suspects arrêtés

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Trois jeunes femmes âgées de 15 à 20 ans auraient subi, avant d'être tuées, une séance de torture diffusée sur un compte Instagram fermé de 45 personnes, apparemment pour servir d'exemple au sein d'un groupe criminel après un vol de drogue.

La police argentine a annoncé ce lundi 29 septembre l'arrestation d'un septième suspect en lien avec l'assassinat de trois jeunes femmes diffusé en direct la semaine dernière, une affaire qui bouleverse le pays et serait liée au narcotrafic.

Les corps de Morena Verdi et Brenda del Castillo, deux cousines âgées de 20 ans, et de Lara Gutiérrez, 15 ans, ont été retrouvés mercredi, enterrés près d'une maison dans la grande banlieue sud de Buenos Aires, cinq jours après leur disparition.

Selon le ministre provincial de la Sécurité Javier Alonso, elles ont été piégées, croyant se rendre à une fête, et ont subi avant d'être tuées une séance de torture qu'auraient vu en direct 45 personnes membres d'un compte fermé de réseaux sociaux, apparemment pour faire un exemple au sein d'un groupe criminel.

La police a annoncé ce lundi l'arrestation d'une jeune femme à l'issue d'une interview qu'elle donnait à une chaîne de télévision locale.

Le commanditaire serait un trafiquant de drogue

La suspecte aurait été vue dans une voiture appartenant à son oncle, arrêté vendredi en Bolivie, tout près de la frontière argentine, soupçonné d'avoir fourni un soutien logistique au transport des jeunes victimes.

Mercredi, deux hommes et deux femmes avaient été arrêtés, avant un sixième suspect ce samedi.

Selon les autorités, l'homme soupçonné d'être commanditaire de ce massacre est un Péruvien de 20 ans, trafiquant de drogue, surnommé "Petit J", qui menait des activités criminelles dans une zone défavorisée au sud de Buenos Aires. Un mandat d'arrêt international a été émis à son encontre. Son présumé lieutenant, âgé de 23 ans, est également recherché.

"Il faut protéger les femmes"

Plusieurs milliers de personnes ont manifesté samedi à Buenos Aires pour réclamer justice après ce meurtre. La marche avait été convoquée par l'influente organisation "Ni una menos" (Pas une de moins) qui lutte contre les violences de genre.

Parents, frère, cousin, grand-père... plusieurs membres des familles de victimes, derrière une banderole avec les prénoms "Lara, Brenda, Morena" et des pancartes à l'effigie des trois "chicas" ont défilé en tête du cortège, lancé par un mouvement féministe, et gonflé par plusieurs organisations de gauche radicale, entre la Place de Mai et le Parlement.

Une manifestation après un triple "narco-féminicide", à Buenos Aires, en Argentine, le 27 septembre 2025
Une manifestation après un triple "narco-féminicide", à Buenos Aires, en Argentine, le 27 septembre 2025 © LUIS ROBAYO / AFP

"Il faut protéger les femmes, que plus jamais ceci n'arrive", a déclaré Leonel del Castillo, le père de Brenda trés ému. Dans la semaine, il avait dit n'avoir "pas pu reconnaître" le corps de sa fille, en raison des sévices subis.

"Ce n'étaient pas des assassins, mais des sanguinaires. Même à un animal on ne fait pas ce qu'ils leur ont fait", a lâché le grand-père.

"C'était un narco-féminicide!" "Nos vies ne sont pas jetables!", "Nous nous aimons en vie!" pouvait-on lire sur des pancartes et banderoles, dans la manifestation, d'ampleur très relative par rapport aux mobilisations sociales récurrentes à Buenos Aires.

"L'injustice" socio-économique qui pèse sur les filles

Cousin de Brenda et Morena, et présent dans la manifestation, Federico Celebon a déclaré dans un entretien qu'il arrivait à ses cousines de se livrer à la prostitution "pour survivre", dans un contexte de pauvreté, et à l'insu de la famille. Selon plusieurs médias, elles auraient été conviées en ce but à la soirée fatale de vendredi dernier.

Pour Federico, elles ont eu "la malchance" de "se trouver au mauvais moment avec les mauvaises personnes". "Elles ont seulement été victimes d'un système qui ne leur laissait d'autre choix que d'accéder à 'ce type de travail' pour survivre (...) Devoir offrir son corps pour une nuit, deux nuits, un week-end ou le temps qu'il faut en échange d'un peu d'argent", a-t-il affirmé.

"On essaie toujours de culpabiliser les filles, on sait tout de leur vie, qu'est-ce qu'elle faisaient là, comment est la famille (...), on publie leurs photos mais on ne sait rien des auteurs, pas leurs noms, leurs visages sont floutés...", grondait Yamila Alegre, une maroquinière de 35 ans dans la marche samedi.

Elle relevait aussi "l'injustice" socio-économique qui pèse en premier lieu sur les filles, "quand on vit dans un quartier pauvre, avec peu de ressources, peu de possibilités, comme là où j'ai grandi, à Ituzaingo", dans la grande banlieue de Buenos Aires.

"Il y a de la pauvreté dans notre quartier, mais ce qu'on dit sur Lara est faux", s'insurgeait Del Valle Galvan, la tante de Lara, réfutant tout lien de sa nièce avec la drogue, ou la prostitution.

Brenda était, elle, mère d'un bébé d'un an, que ses grands-parents vont recueillir, a précisé son cousin. "J'ai promis à la famille qu'on accompagnera le petit jusqu'au bout. On espère le voir grandir, et un jour lui parler de la mère qu'il a eue (..) une super maman".

Salomé Robles avec AFP