Argentine: le gouvernement de Javier Milei veut supprimer la notion de féminicide du code pénal

Le président argentin Javier Milei s'adresse au public lors de la réunion annuelle du Forum économique mondial (WEF) à Davos, le 23 janvier 2025. - FABRICE COFFRINI / AFP
Javier Milei l'avait dit à Davos: il juge que le féminisme "radical" consiste à "monter la moitié de la population contre l'autre moitié". S'exprimant au Forum économique mondial en Suisse, le président argentin d'extrême droite a vivement critiqué le concept de féminicide le 23 janvier.
"Nous en sommes même arrivés à normaliser le fait que dans de nombreux pays prétendument civilisés, si vous tuez une femme, cela s'appelle un féminicide. Et ce crime est passible d'une peine plus lourde que le meurtre d'un homme, simplement en raison du sexe de la victime - la vie d'une femme ayant légalement plus de valeur que celle d'un homme", a-t-il alors affirmé.
La notion de féminicide a été incorporée au Code pénal argentin en 2012, bien que le mot n'y figure pas explicitement. Il considère comme circonstance aggravante, passible de la perpétuité, l'homicide "d'une femme perpétré par un homme et relevant de violence de genre".
C'est-à-dire tuée "pour sa condition de femme, parce qu'elle est une femme", explique à l'AFP le pénaliste Gaston Francone. Tous les meurtres de femmes ne sont donc pas des féminicides. Parmi d'autres circonstances aggravantes à l'homicide, le Code pénal considère aussi des questions de race, de religion, d'orientation sexuelle, ou "par plaisir". L'homicide sans circonstance aggravante est passible de 25 ans de prison.
Le gouvernement veut "éliminer" le concept du code pénal
Le 24 janvier, le ministre argentin de la Justice a précisé les intentions du gouvernement. "Nous allons éliminer le concept de féminicide du code pénal argentin. Parce que cette administration défend l'égalité devant la loi inscrite dans notre Constitution nationale. Aucune vie ne vaut plus qu'une autre", a-t-il déclaré sur X.
"Comme l'a déclaré le président Javier Milei à Davos, le féminisme est une distorsion du concept d'égalité qui ne cherche qu'à obtenir des privilèges en opposant une moitié de la population à l'autre", a ajouté Mariano Cúneo Libarona.
Amnesty "préoccupé" par ce projet
De janvier à novembre 2024, 252 féminicides ont été enregistrés en Argentine, soit un toutes les 30 heures, selon l'Observatoire du féminicide argentin, qui relève du Bureau du médiateur national, une institution de défense des droits de l'Homme.
Mariela Belski, directrice exécutive d'Amnesty Argentine citée par le Guardian, juge "très préoccupant" que les violences faites aux femmes ne soient pas "comprises" par l'État. "La suppression du féminicide en tant que catégorie juridique représenterait un plus grand danger pour les femmes et les jeunes filles", estime-t-elle.
Ce projet du gouvernement risque toutefois de se heurter à la réalité de sa situation au Parlement. Le groupe ultralibéral de Milei est très minoritaire aux deux chambres du Parlement, où l'opposition péroniste (centre-gauche) qui avait porté ces lois, reste le premier bloc.
Dès son arrivée au pouvoir en novembre 2023, Javier Milei a supprimé de son gouvernement le ministère en charge des droits des femmes. En novembre dernier, l'Argentine a été le seul pays au monde à voter contre une résolution de l'ONU visant à "prévenir et éliminer toutes les formes de violence à l’égard des femmes et des filles" en ligne (13 pays se sont abstenus et 170 ont voté pour).