Réunion charnière du groupe de contact sur la Libye

La secrétaire d'Etat américaine, Hillary Clinton, à Istanbul. Les pays de l'Otan et les puissances arabes sont réunis vendredi en Turquie pour une nouvelle réunion du groupe de contact sur la Libye qui intervient à un moment charnière entre absence de pro - -
par Andrew Quinn et Tulay Karadeniz
ISTANBUL (Reuters) - Les pays de l'Otan et les puissances arabes sont réunis vendredi à Istanbul pour une nouvelle réunion du groupe de contact sur la Libye qui intervient à un moment charnière entre absence de progrès militaires et spéculations sur les intentions de Mouammar Kadhafi.
Quatre mois après les premières frappes alliées sur les structures de l'armée régulière libyenne, des informations circulent de plus en plus nombreuses faisant état d'une possible évolution du numéro un libyen.
Dans un discours jeudi soir devant des dizaines de milliers de partisans à Al Adjaïlat, à 80 km à l'ouest de Tripoli, il a réitéré son intention de poursuivre la lutte. "Je me sacrifierai pour vous (...) Je combattrai jusqu'au bout", a-t-il dit.
Taxant Nicolas Sarkozy, chaud partisan de l'intervention de l'Otan dès ses débuts, de "criminel de guerre", il a assuré que "la Libye sera le cimetière de l'Otan, l'Union européenne aussi verra sa fin venir durant cette bataille".
Mais de ce qui filtre des contacts informels, il semblerait que le dirigeant libyen pourrait être prêt à renoncer au pouvoir qu'il exerce depuis 41 ans s'il obtient des garanties.
Le conditionnel est toutefois de rigueur. "Il y a beaucoup d'idées en l'air. Nous ne sommes pas encore persuadés qu'une seule d'entre elles soit décisive par rapport aux conditions que nous avons fixées", minimise-t-on dans l'entourage d'Hillary Clinton.
ENVISAGER L'APRÈS-KADHAFI
Le chef de la diplomatie turque, Ahmet Davutoglu, espère lui qu'une solution politique au conflit pourra émerger d'ici le ramadan, le mois de jeûne musulman en août.
Dînant avec le secrétaire général de l'Otan, Anders Fogh Rasmussen, à la veille de la réunion d'Istanbul, il a déclaré jeudi soir que les discussions se focaliseraient sur "les mesures à prendre en vue d'une solution immédiate en Libye", a rapporté un diplomate turc.
La secrétaire américaine d'Etat et la représentante de l'Union européenne pour les affaires étrangères, Catherine Ashton, sont au nombre des participants de cette nouvelle réunion, la quatrième du genre depuis la création du groupe de contact en mars à Londres.
Selon un autre membre de la délégation américaine, la communauté internationale "commence à envisager l'après-Kadhafi". "Il va partir et la réunion pourrait être utile pour faire le point et préparer cette transition. Nous considérons cette rencontre comme un pivot dans le cadre de ce processus", a-t-il ajouté.
Dans l'optique où Kadhafi accepterait de se retirer, resterait à trancher la question de l'avenir personnel du dirigeant libyen, visé par un mandat d'arrêt de la Cour pénale internationale pour crimes contre l'humanité. Lui offrirait-on en échange une immunité, serait-il autorisé à rester sur le sol libyen ou à chercher refuge dans un pays tiers ?
L'Otan, la Ligue arabe, l'Union africaine et le Conseil de coopération du Golfe sont également à Istanbul. La Chine, qui était invitée, a décliné en raison de ses interrogations sur le mode de fonctionnement du groupe de contact.
Comme la Russie, autre membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, Pékin s'est abstenue lors du vote de la résolution 1973 qui a autorisé à la mi-mars l'intervention militaire étrangère confiée ultérieurement à l'Otan.
CIBLES RÉDUITES EN LIBYE
En Libye, les insurgés tiennent toujours la localité d'Al Kaoualich, à une centaine de kilomètres au sud de Tripoli, et visent désormais Gariane, verrou sur la principale route menant jusqu'à Tripoli. Mais en dépit des bombardements aériens de l'Otan depuis le mois de mars, censés affaiblir les capacités militaires du régime, les insurgés progressent lentement et difficilement.
Dans la ville côtière de Brega, au bord du golfe de Syrte, des insurgés appuyés par des avions de l'Otan ont mené jeudi une attaque maritime et terrestre, indique la chaîne de télévision Al Arabia. Les forces de Kadhafi auraient bombardé elles, toujours selon Al Arabia, la ville d'Ajdabiah, non loin de Brega.
Pour l'émissaire du président russe Dmitri Medvedev pour la Libye, le dirigeant libyen est loin d'être vaincu. "Kadhafi n'a pas encore utilisé le moindre missile sol-sol, alors qu'il en a plus qu'il n'en faut. On peut donc douter du fait que le régime commence à être court d'armements", a dit Mikhaïl Margelov, cité jeudi par le quotidien russe Izvestia.
Le commandement allié éprouve parallèlement des difficultés à établir des cibles sûres, les forces loyales au colonel libyen optant pour une stratégie de dissimulation dans des zones civiles.
"A mesure que la campagne militaire se poursuit, le régime tente de plus en plus de cacher ses troupes, son matériel et ses centres de commandement, souvent dans des zones peuplées", a déclaré vendredi matin le général Nick Pope, responsable de la communication à l'état-major des forces britanniques.
Londres, a-t-il ajouté, va cependant engager sur le théâtre libyen quatre chasseurs Tornado supplémentaires, des appareils spécialisés notamment dans les missions de surveillance et de reconnaissance aériennes.
Avec Peter Graff à Al Kaoualich, Bertrand Boucey, Eric Faye, Jean-Philippe Lefief et Henri-Pierre André pour le service français