TOUT COMPRENDRE. Sahara occidental: pourquoi le soutien d'Emmanuel Macron au plan du Maroc fait polémique

Dans un courrier adressé au roi du Maroc, Mohamed VI, ce mardi 30 juillet à l'occasion de l'anniversaire de son intronisation il y a 25 ans, Emmanuel Macron a renforcé son soutien au plan marocain pour le Sahara occidental. Ce geste, décrié par Alger, était en revanche très attendu par le Maroc, pour qui la question est une "cause nationale".
Le Sahara occidental, ancienne colonie espagnole, fait en effet l'objet d'un conflit vieux de quasiment 50 ans. Il est contrôlé de facto en majeure partie par le Maroc qui propose un plan d'autonomie sous sa souveraineté. Mais il est aussi revendiqué par les indépendantistes sahraouis du Front Polisario, soutenus par l'Algérie, qui réclament un référendum d'autodétermination, prévu par l'ONU lors de la signature en 1991 d'un cessez-le-feu, mais jusqu'alors jamais concrétisé.
• Que propose le Maroc pour mettre fin au conflit?
Pour résoudre le conflit du Sahara occidental, qui l'oppose depuis 1975 aux indépendantistes sahraouis, le Maroc propose un plan d'autonomie du territoire disputé, dans le cadre de sa souveraineté et de son "unité nationale".
"L'Initiative marocaine pour la négociation d'un statut d'autonomie de la région du Sahara" a été présentée par Rabat le 11 avril 2007 pour répondre aux appels du Conseil de sécurité de l'ONU en faveur d'une "solution politique définitive". Selon ses promoteurs, cette feuille de route est censée mettre fin à l'impasse et aux hostilités avec les indépendantistes sahraouis du Front Polisario soutenus par l'Algérie.
Aux termes du plan d'autonomie, l'État marocain maintiendrait sa souveraineté sur ce vaste territoire désertique longeant la côte atlantique - dont il contrôle 80% - mais transférerait une partie de ses compétences administratives, législatives et judiciaires aux populations locales qui géreraient "elles-mêmes et démocratiquement" leurs affaires.
"Le gouvernement, le Parlement et les juridictions sahraouis devront réglementer, légiférer et juger en conformité avec le statut d'autonomie de la région et la Constitution du royaume", précise le texte.
• Qu'a dit Emmanuel Macron mardi?
Ce mardi 30 juillet, dans un courrier adressé à Mohamed VI, Emmanuel Macron a assuré son soutien au plan marocain pour le Sahara occidental désormais considéré comme "la seule base" permettant de résoudre le conflit avec les indépendantistes du Polisario, vieux de près de 50 ans.
Sans reconnaître expressément la "marocanité" du Sahara, le président français dit considérer que "le présent et l'avenir du Sahara occidental s'inscrivent dans le cadre de la souveraineté marocaine".
"Pour la France, l'autonomie sous souveraineté marocaine est le cadre dans lequel cette question doit être résolue. Notre soutien au plan d'autonomie proposé par le Maroc en 2007 est clair et constant", a-t-il ajouté.
"La poursuite du développement économique et social de cette région est un impératif. Je salue tous les efforts faits par le Maroc à cet égard. La France l'accompagnera dans cette démarche au bénéfice des populations locales", a écrit encore Emmanuel Macron. En retour, le Cabinet royal marocain a salué une "évolution importante et significative en soutien à la souveraineté marocaine sur le Sahara".
• Quelle est la réaction de la classe politique?
Du côté de la classe politique, le soutien d'Emmanuel Macron au plan marocain pour le Sahara occidental divise, tant sur le fond que sur les circonstances politiques entourant ce geste.
"Emmanuel Macron trahit la position historique et équilibrée de la France sur les droits du peuple sahraoui comme sur les résolutions de l'ONU", a écrit sur X Fabien Roussel.
Le secrétaire général du Parti communiste (PCF) a accusé dans la foulée le chef de l'État d'ouvrir une "crise diplomatique grave". Dénonçant elle aussi une décision "trahissant la position historique de la France", la cheffe des Écologistes Marine Tondelier a dénoncé "une erreur historique prise par un homme seul, à la tête d'un État sans gouvernement ni majorité".
La gauche s'indigne que le chef de l'État ait pu annoncer la nouvelle position française sur un dossier très sensible alors qu'il a lui-même décrété une "trêve politique" pendant les Jeux olympiques de Paris. Ce geste "précipité", "conte le droit international, sans débat, est une erreur", a encore estimé le député de La France insoumise (LFI) Hadrien Clouet sur X.
À droite, en revanche, la décision d'Emmanuel Macron a été bien accueillie. "Il était temps de tenir compte des réalités et de sortir d'une ambiguïté stérile", a estimé le président Les Républicains (LR) du Sénat Gérard Larcher dans un communiqué, jugeant cette évolution "incontournable".
"Défenseur historique de la souveraineté marocaine sur le Sahara, je me réjouis de l'évolution du président Macron sur ce sujet essentiel", a affirmé l'ex-leader de la droite Éric Ciotti.
Même approbation pour Marine Le Pen, la leader du Rassemblement national (RN). "Le gouvernement français n'a que trop tardé pour reconnaître l'engagement constant du Maroc depuis des décennies dans la stabilisation et la sécurisation du Sahara occidental, partie intégrante du royaume chérifien", a-t-elle écrit sur X.
• Qu'en est-il de l'Algérie?
En réaction au soutien apporté par Emmanuel Macron au Maroc, l'Algérie a annoncé ce mardi 30 juillet le "retrait immédiat" de son ambassadeur à Paris, pour montrer son désaccord. "La représentation diplomatique algérienne en France est désormais du ressort d'un chargé d'affaires", a ajouté le ministère des Affaires étrangères dans un communiqué publié par l'agence officielle APS, dénonçant un "pas qu'aucun autre gouvernement français n'avait franchi avant lui".
En soutenant le plan d'autonomie marocain, l'Algérie estime que la France "bafoue la légalité internationale" et "prend fait et cause pour la négation du droit du peuple sahraoui à l'autodétermination".
"Le gouvernement français a fini par donner sa caution franche et catégorique au fait colonial imposé au Sahara occidental", a encore dénoncé l'Algérie.
À ce jour, l'ONU considère ce territoire, aux riches eaux poissonneuses et aux importantes réserves en phosphates, comme un "territoire non autonome".