BFMTV
Maroc

Revendications sociales, "GenZ 212", plusieurs morts: qu’est-ce que ce mouvement qui embrase le Maroc?

placeholder video
Il y aura bientôt une semaine que la jeunesse marocaine se retrouve dans les rues de nombreuses villes du royaume pour protester contre des services publics en péril. Les heurts ont fait trois morts, de nombreux blessés et les arrestations se multiplient mais le mystérieux collectif à l'origine du mouvement, GenZ 212 appelle ce jeudi 2 octobre à continuer.

Les journées de manifestations s'enchaînent au Maroc et le niveau de violence s'accroît. Le Royaume chérifien est secoué depuis le 27 septembre par un mouvement social qui agrège les colères. Dans la nuit de jeudi à vendredi, le collectif de jeunes Marocains "GenZ 212" a appelé à la démission du gouvernement, après une sixième soirée consécutive de manifestations.

Ce jeudi 2 octobre, le collectif GenZ 212, dont les initiateurs sont inconnus, annonçait de nouvelles manifestations qui se veulent "pacifiques" pour réclamer de meilleurs services publics, après une nuit de violences ayant fait trois morts.

Mercredi soir, trois personnes ont été tuées par des gendarmes alors qu'elles tentaient de prendre d'assaut une brigade locale à Lqliaâ près d'Agadir (sud), après avoir incendié un véhicule et un bâtiment, selon les autorités locales. Les assaillants voulaient voler "des munitions et des armes de service", ont-elles ajouté.

Des actes de vandalisme ont eu lieu dans une autre localité proche d'Agadir, Sidi Bibi, où des personnes ont incendié des bureaux de la municipalité, d'après des médias locaux.

Véhicules incendiés lors d'émeutes au Maroc le 2 octobre
Véhicules incendiés lors d'émeutes au Maroc le 2 octobre © ABDEL MAJID BZIOUAT / AFP

• Un collectif baptisé GenZ 212

Sur les réseaux sociaux, des groupes se sont constitués pour appeler à de nouvelles manifestations à compter du 27 septembre. Un groupe sur la plateforme de discussion Discord baptisé GenZ 212, réunissant aujourd'hui plus de 150.000 membres, est devenu un lieu d'échanges et de coordination des rassemblements.

Le salon se présente comme "un espace de discussion" autour de "questions comme la santé, l'éducation et la lutte contre la corruption", clamant "son amour pour la patrie et du roi". "GenZ" correspond à la génération des jeunes âgés de 18 à 34 ans et 212 est l'indicatif téléphonique du Maroc.

Une carte interactive des manifestations "pour exiger des services publics dignes de notre nation", est également diffusée sur le site Moroccan Youth Voice, les voix de la jeunesse marocaine. Le mot d'ordre des collectifs était de manifester pacifiquement.

Le groupement GenZ 212, a annoncé ce jeudi 2 octobre que les manifestations allaient se poursuivre. "Nous assurons l'opinion publique et les autorités que nos manifestations seront entièrement pacifiques", a affirmé le collectif, indiquant "rejeter toute forme de violence, de vandalisme ou d'émeute" et exhortant les manifestants "à respecter le caractère pacifique" du mouvement.

• Manifestations dans plusieurs villes

Au début du mouvement social, le 27 septembre, les manifestations ont réuni des centaines de Marocains dans la capitale Rabat et d'autres villes comme Tanja, Meknes, Marrakech, Casablanca ou Tawunat. Les forces de l'ordre avaient arrêté des dizaines de manifestants et les avaient relâchés.

D'autres manifestations avaient eu lieu le lendemain, dimanche 28 septembre. "Le peuple veut la santé, l'éducation et qu'on lui rende des comptes", scandaient les manifestants, réclamant aussi le "départ du Premier ministre Aziz Akhannouch", constataient des journalistes de l'AFP sur place. Les forces de l'ordre ont procédé à de nouvelles arrestations.

Mardi soir, des manifestations non autorisées avaient déjà donné lieu à des heurts avec les forces de l'ordre dans des villes comme Oujda (est) et Inzegane, en banlieue d'Agadir (sud).

Après ces violences, qui ont fait près de 300 blessés, en majorité dans les rangs des forces de l'ordre, plus de 400 personnes ont été interpellées, a indiqué Rachid El Khalfi, porte-parole du ministère de l'Intérieur.

Ce dernier a précisé que plus de 140 véhicules de la police et 20 voitures de particuliers avaient été incendiés et que les manifestants ont également pris d'assaut des administrations, des agences bancaires et commerces, notamment à Inzegane et Oujda.

À Rabat, le parquet a décidé mercredi qu'un deuxième groupe de 97 personnes, dont trois placées en détention, allaient être jugées, a déclaré à l'AFP leur avocate Souad Brahma, précisant que la date de leur procès n'a pas encore été fixée. Un premier groupe de 37 personnes, dont trois placées en détention, doit être jugé à partir du 7 octobre, selon Me Brahma.

Une manifestation menée par des jeunes à Rabat (Maroc), le 29 septembre 2025. (Photo d'illustration)
Une manifestation menée par des jeunes à Rabat (Maroc), le 29 septembre 2025. (Photo d'illustration) © Photo par ABDEL MAJID BZIOUAT / AFP

• Une succession de crises

Une première vague de protestation s'est produite au Maroc mi-septembre lorsque huit femmes enceintes admises pour des césariennes dans un hôpital public d'Agadir sont mortes à cause de défaillances médicales. Ce cas est devenu emblématique d'un système de santé à bout de souffle.

Des appels à manifester ont été partagés dans de nombreuses villes du pays pour dénoncer la détérioration des conditions sanitaires dans les établissements hospitaliers. Le directeur de l'hôpital et plusieurs responsables locaux ont été limogés, une enquête interne a été diligentée et des investissements annoncés.

Les forces de sécurité ont été déployées et menées des arrestations. Des rassemblements ont été interdits. Le 21 septembre, l'association Marocaine des Droits Humains dénonçait sur ses réseaux sociaux, "l'interdiction, la répression et les arrestations pour couvrir la politique désastreuse de l'État en matière de droit à la santé".

Parallèlement aux revendications pour une amélioration du service public de la santé au Maroc, une autre contestation s'est formée autour de la réforme de l'enseignement supérieur examinée au cours de l'été par le gouvernement.

Ce projet a été vilipendé par des syndicats d'enseignants et d'élèves qui voient dans ce projet de loi des menaces sur le principe de gratuité, le risque de privatisation du secteur, l'instauration d'une tutelle politique sur les directions d'universités ou encore des obstacles aux droits des étudiants à s'organiser.

Un jeune manifestant participant au mouvement social le 29 septembre 2025 à Rabat, le message de sa pancarte dit "Au moins les stades de la FIFA ont des kits de premiers secours, nos hôpitaux n'en ont pas".
Un jeune manifestant participant au mouvement social le 29 septembre 2025 à Rabat, le message de sa pancarte dit "Au moins les stades de la FIFA ont des kits de premiers secours, nos hôpitaux n'en ont pas". © ABDEL MAJID BZIOUAT / AFP

La colère sociale tranche avec la communication du gouvernement autour de l'accueil dans quelques mois de la Coupe d'Afrique des Nations à partir du 21 décembre puis de la Coupe du monde 2030. "Les stades sont là, mais où sont les hôpitaux?", ont d'ailleurs scandé les manifestants, dont l'un des autres slogans est "Liberté, dignité, justice". Le joueur de football international marocain Azzedine Ounahi a indirectement apporté son soutien au mouvement.

Florent Bascoul avec AFP