BFMTV
Afrique

"Leur absence a été une blessure ouverte dans le cœur de notre île": la France rend à Madagascar trois crânes de l'époque coloniale

Un homme porte l'un des trois crânes Sakalava sous le regard de Rachida Dati (à gauche), accompagnée de son homologue malgache Volamiranty Donna Mara, lors d'une cérémonie de restitution à Madagascar, au ministère de la Culture à Paris, le 26 août 2025.

Un homme porte l'un des trois crânes Sakalava sous le regard de Rachida Dati (à gauche), accompagnée de son homologue malgache Volamiranty Donna Mara, lors d'une cérémonie de restitution à Madagascar, au ministère de la Culture à Paris, le 26 août 2025. - STEPHANE DE SAKUTIN / AFP

Une cérémonie de restitution a permis à Magadascar de récupérer trois crâne témoins d'un massacre commis par l'armée française lors de la colonisation de l'île, ce mardi 26 août, à Paris.

Plus d'un siècle après, trois crânes témoins d'un massacre commis par l'armée française aux premières heures de la colonisation de Madagascar ont été restitués mardi à l'île de l'océan Indien, à l'issue d'un processus qualifié d'"historique" par les deux pays.

Réclamé depuis des décennies par Antananarivo, ces ossements avaient été emportés comme trophées par les troupes coloniales françaises après une attaque meurtrière en 1897 à Ambiky, ancienne capitale royale du Menabe.

Le crâne présumé du roi Toera

Jusqu'à présent, ces crânes, dont l'un est présumé appartenir au roi Toera, étaient conservés au Muséum national d'histoire naturelle à Paris aux côtés de centaines d'autres restes humains malgaches.

"Ces crânes sont entrés dans les collections nationales dans des conditions qui contreviennent de manière très objective à la dignité humaine et dans un contexte de violences coloniales", a affirmé mardi la ministre de la Culture française Rachida Dati, en marge de la cérémonie de restitution à Paris.

"Une blessure ouverte dans le cœur"

"Leur absence a été pendant plus d'un siècle, 128 ans, une blessure ouverte dans le cœur de notre île", a estimé son homologue malgache Volamiranty Donna Mara.

Transportés au ministère de la Culture dans des malles recouvertes de tissus traditionnels, ces trois crânes de l'ethnie Sakalava ont été symboliquement remis mardi aux autorités malgaches et vont retrouver l'île de l'océan Indien le 31 août pour y être inhumés après plusieurs jours de cérémonies.

Leur retour à Madagascar "marque un évènement historique", a estimé Rachida Dati, rappelant l'engagement pris en 2017 par le président Emmanuel Macron d'accélérer les restitutions de la France vers ses anciennes colonies. D'autres anciennes puissances coloniales sont engagées dans cette même voie.

Les "conditions" d'un "pardon"

En visite à Madagascar en avril, le chef de l'État français avait appelé de ses voeux cette restitution afin de créer les "conditions" d'un "pardon" face aux "pages sanglantes et tragiques" de la colonisation de l'île, qui a débuté en 1897 jusqu'à l'indépendance en 1960.

Juridiquement, la restitution des crânes malgaches marque d'ailleurs la première application en France d'une loi-cadre votée fin 2023 qui facilite le retour de restes humains en permettant de déroger au principe d'inaliénabilité des collections publiques sans passer par la voie législative.

Un projet de loi-cadre concernant cette fois les restitutions de biens culturels a été présenté en Conseil des ministres fin juillet et Rachida Dati a dit espérer mardi son adoption "rapide" au Parlement, malgré les risques de chute du gouvernement qui va se soumettre à un périlleux vote de confiance le 8 septembre.

"Tout cela va continuer son chemin (...). Le sujet des restitutions fait consensus national", a affirmé la ministre de la Culture. Saluant le retour prochain sur leur île des trois crânes, son homologue malgache a évoqué mardi un "geste d'une immense portée" qui ouvre une "nouvelle ère de coopération" entre les deux pays.

Pas "un simple objet de collections"

Ces crânes ne sont pas "un simple objet de collections", a déclaré Volamiranty Donna Mara. "Ils sont le lien invisible et indélébile qui unit notre présent à notre passé".

Selon Rachida Dati, les travaux scientifiques et historiques ayant précédé la restitution ont permis d'établir "avec certitude" que les crânes restitués provenaient bien de l'ethnie Sakalava mais sans pouvoir les rattacher formellement au roi Toera.

"Il est permis d'un point de vue scientifique de présumer que l'un de ces trois crânes est bien celui du roi Toera sans avoir d'un point de vue scientifique une certitude absolue", a estimé la ministre française.

En 2020, la France avait restitué à Alger 24 crânes en affirmant qu'il s'agissait de crânes de combattants anticoloniaux algériens. Or deux ans plus tard, une enquête du New York Times avait établi que seuls six de ces crânes appartenaient, sans doute possible, à des combattants et que l'origine des autres ossements était très incertaine.

AV avec AFP