TOUT COMPRENDRE - Pourquoi les centrales à charbon sont si polluantes

La centrale électrique au charbon polonaise Turow le 28 juin 2021 - Michal Cizek / AFP
"Le charbon c'est l'ennemi numéro 1 du climat", a lancé ce mardi sur France Info la ministre de la Transition Écologique Barbara Pompili. Cette déclaration intervient, paradoxalement, après que le gouvernement a annoncé assouplir temporairement les limites d'utilisation de ses dernières centrales à charbon pour assurer l'approvisionnement électrique, très tendu cet hiver.
"On a remonté un petit peu le quota de charbon que l'on peut utiliser, parce qu'on a besoin de marges de manœuvre à cause de réacteurs nucléaires qui sont arrêtés alors qu'ils n'auraient pas dû l'être", a justifié la ministre.
Quand on parle ressources énergétiques et climat, les centrales à charbon sont rapidement pointées du doigt pour leur effet très polluant. La déclaration finale de la COP26 appelle ainsi à "accélérer des efforts" vers la sortie du charbon. En France, il reste actuellement deux centrales, l'une "va fermer au printemps et l'autre une fois que l'EPR de Flamanville sera en service", a assuré la ministre ce mardi.
· Pourquoi utilise-t-on encore du charbon?
En France, le charbon n'est plus extrait, il est importé puis utilisé dans les centrales thermiques. Brûlé, il permet de couvrir des besoins énergétiques, comme la production d'électricité, et il "produit beaucoup d'énergie", explique à BFMTV.com Michel Dubromel, responsable des questions énergétiques pour l'association France Nature Environnement. Comme l'a expliqué Barbara Pompili, il précise qu'en "France, c'est uniquement un outil d'appoint", qui permet de compenser de potentiels manques d'autres sources énergétiques.
Le charbon "ce n'est pas cher à produire et il y en a énormément sur Terre", explique également à BFMTV.com Arnaud Gauffier, directeur des programmes à WWF France. "On sera tous morts du changement climatique avant d'épuiser les ressources mondiales de charbon".
Dans d'autres pays, comme la Chine, mais aussi la Pologne et l'Allemagne, des mines de charbon sont toujours ouvertes, et le minerai en est extrait.
"À ce jour, environ 8500 centrales à charbon sont en activité dans le monde, soit une capacité totale de plus de 2000 gigawatts. Elles produisent plus d’un tiers de l’électricité", expliquait en octobre dernier dans une tribune publiée dans Le Monde Fatih Birol, directeur de l’Agence internationale de l’énergie et David Malpass, président de la Banque mondiale. Mais ces centrales sont aussi "à l’origine d’un cinquième des émissions mondiales de gaz à effet de serre, plus que toute autre source d’énergie".
· De quelle façon les centrales à charbon polluent-elles ?
"Le charbon contribue fortement à la pollution locale et aux changements climatiques. Il génère 44 % des émissions mondiales de CO2", déclarait également fin 2020 le Fonds Monétaire International (FMI).
De son extraction à son utilisation, le charbon est en effet une source importante de pollution. Ainsi "l'extraction mais aussi le transport du charbon vont générer des poussières à l'origine de maladies respiratoires" note Michel Dubromel. Il ajoute qu'à "chaque fois que l'on brûle du charbon, cela créé du gaz carbonique".
Les centrales à charbon "génèrent des particules fines, et une pollution atmosphérique qui peut voyager sur des centaines de kilomètres", déclare également Arnaud Gauffier qui explique que des rejets importants en Pologne ou en Allemagne peuvent arriver jusqu'en France.
Les centrales thermiques au charbon libèrent "dans l’air et les cours d’eau du dioxyde de soufre, de l’oxyde d’azote, des particules fines et du mercure qui dégradent l’environnement et qui, comme le confirment des données scientifiques connues depuis longtemps, sont nocifs pour la santé humaine", souligne aussi le FMI.
· Le charbon pollue-t-il davantage que les autres sources d'énergie utilisées?
Si d'autres énergies sont également sources de pollution, "de toutes les énergies fossiles, le charbon est le combustible le plus polluant et la première cause du réchauffement climatique", écrivait l'ONG OXFAM dans un rapport de 2015. "L'élimination progressive du charbon du secteur de l'électricité est l'étape la plus importante pour atteindre l'objectif de 1,5 degré" dans la lutte contre le réchauffement climatique, déclarait également le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres en mars dernier.
Dans son dernier rapport, l'Agence internationale de l'énergie (IEA) écrit ainsi que "les combustibles fossiles représentaient encore en 2019 plus de 80 % de l'approvisionnement énergétique total mondial". Parmi eux, "le pétrole en représente 31 %, suivi du gaz naturel (27 %) et du charbon (23 %). À l'inverse, les émissions mondiales de GES [émissions de gaz à effet de serre, ndlr] étaient dominées par le charbon (42 %), suivi du pétrole (34 %) et du gaz naturel (22 %)".
Le FMI compare par exemple l'utilisation du charbon à celui du gaz naturel: "lorsqu’il est brûlé pour produire de la chaleur ou de l’électricité, l’intensité carbonique du charbon est 2,2 fois supérieure à celle du gaz naturel: à quantité égale d’énergie produite, le charbon dégage plus de deux fois plus de dioxyde de carbone que le gaz naturel". Et comparé à l'éolien, il en dégage 80 fois plus explique Arnaud Gauffier.
Il est plus difficile d'évaluer la différence de pollution entre le nucléaire et le charbon, car si côté pollution atmosphérique, elle est moindre pour le nucléaire, c'est sur le long terme que cette énergie est critiquée, car les déchets nucléaires représentent un risque très important pour les sols.
· Est-il possible d'arrêter totalement les centrales à charbon ?
Face à cette importante pollution, de nombreux pays, dont la France, mais aussi la Chine - principale consommatrice de charbon dans le monde -, se sont engagés à en finir avec les énergies fossiles comme le charbon. Pour limiter le réchauffement climatique à 1,5°C, "la consommation mondiale de charbon dans la production d'électricité doit chuter de 80% sous les niveaux de 2010 d'ici 2030", avait expliqué António Guterres.
Mais il est difficile de totalement arrêter les centrales à charbon dans des pays où cette industrie représente nombre d'emplois, et est largement majoritaire. Les "pays émergents représentent 76,8 % de la consommation mondiale de charbon, dont la Chine pour environ la moitié", explique le FMI, il faudrait donc revoir complètement dans ces États les systèmes énergétiques en place. "Ce qu'il faut, c'est déjà que ces pays arrêtent d'ouvrir de nouvelles centrales à charbon, et donner des moyens aux pays qui en ont besoin" pour changer de cap énergétique, déclare Arnaud Gauffier.
"Par ailleurs, la fermeture précipitée et mal gérée des mines de charbon entraînerait des bouleversements économiques et sociaux, tout en augmentant le nombre de sites miniers abandonnés et contaminés dans le monde, qui continuent à émettre du méthane pendant des décennies et contribuent au réchauffement de la planète", notent les signataires de la tribune dans Le Monde.
Il est donc nécessaire de prévoir la fin de ces centrales à charbon et leur remplacement, notamment avec les énergies renouvelables. Ainsi en France, "les centrales nucléaires sont vieillissantes, donc les pannes risquent de se multiplier à l'avenir, donc le recours aux centrales au charbon aussi", si on n'agrandit pas le parc des énergies renouvelables, déclare Arnaud Gauffier.
Mais ces questions sont en train d'évoluer. "D'ici 2060, les énergies renouvelables fourniront 7 fois plus d'énergie qu'aujourd'hui", prédit ainsi l'IEA.
"Sur pratiquement tous les marchés, il est désormais moins coûteux de construire une nouvelle capacité d'énergie renouvelable que de nouvelles centrales au charbon", expliquait l'ONU en octobre dernier. "L'Agence internationale de l'énergie (AIE) a ainsi constaté que le coût de la construction de nouveaux projets d’énergie solaire est moins cher que la simple exploitation de centrales au charbon existantes dans des pays comme la Chine et l'Inde."
