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Pourquoi il faut sauver l'ours polaire

Des ours polaires photographiés en Alaska, aux États-Unis, en mars 2013 (photo d'illustration)

Des ours polaires photographiés en Alaska, aux États-Unis, en mars 2013 (photo d'illustration) - Steven C. AMSTRUP / POLAR BEARS INTERNATIONAL / AFP

Alors que se tient ce samedi la journée internationale de l'ours polaire, plusieurs experts évoquent les enjeux qui se cachent derrière la protection de cette espèce.

Alors que se tient ce samedi la journée internationale de l'ours polaire, l'espèce peine à survivre. Selon les estimations de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), il ne resterait que 26.000 individus de ces mammifères - apparus il y a 600.000 ans - souvent présentés comme les premières victimes du changement climatique. Pour Florian Kirchner, chargé de programme espèces au sein du comité français de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), l'ours blanc est en effet devenu une "icône" des questions environnementales.

"Ce n'est évidemment pas la seule espèce à souffrir du changement climatique, précise-t-il à BFMTV.com. Il y en a des centaines, des milliers d'autres mais c'est vrai que c'est l'espèce la plus charismatique. C'est devenu un ambassadeur pour toutes celles qui sont moins médiatiques."

Sans compter que d'autres menaces s'additionnent. L'année dernière, le gouvernement de Donald Trump a donné son feu vert à un programme de forages pétroliers et gaziers dans la plus grande zone naturelle pourtant protégée du pays, le refuge national de la faune arctique, en Alaska, où vivent justement des ours polaires. Et juste avant l'arrivée au pouvoir de son successeur Joe Biden, onze concessions ont été attribuées.

Les ours polaires meurent de faim

Une récente étude publiée dans le quotidien britannique The Guardian évoque les nouvelles conditions de vie de cette espèce. Les ours blancs sont ainsi contraints de se déplacer davantage et d'aller plus loin pour se nourrir. En moyenne, ils doivent nagent trois jours pour trouver des phoques. Ce qui représente une dépense énergétique supplémentaire alors que leurs ressources alimentaires se raréfient.

On se souvient des images de cet ours blanc, famélique, filmé il y a quelques années par une ONG sur un territoire arctique du nord-est du Canada. "C'est une scène déchirante qui me hante encore. Voilà à quoi ressemble la famine. L'atrophie musculaire. Pas d'énergie. Une mort lente et douloureuse", écrivait le photographe Paul Nicklen en légende de la vidéo postée sur son compte Instagram.

En réalité, le mauvais état de santé de cet animal décharné s'expliquerait par des facteurs plus complexes - maladies ou blessures qui auraient entraîné des difficultés pour chasser et s'alimenter. Il n'en reste pas moins que la malnutrition est l'une des principales causes de mortalité chez les ours polaires.

Déclin des populations

Et comme le rappelle l'UICN, c'est le changement climatique qui est bel et bien à l'origine de la disparition des ours blancs, placés sur la liste rouge des espèces menacées. Selon cette ONG consacrée à la protection de la biodiversité, un déclin de 30% de cette espèce est fortement probable dans les quarante années à venir du fait de la disparition de son habitat.

"La banquise n'est pas le seul écosystème affecté par le changement climatique mais c'est le plus flagrant, poursuit Florian Kirchner. Tous les ans, elle est mesurée. Et d'année en année, elle régresse. C'est tragique pour l'ours polaire dont la survie en dépend."

À l'automne dernier, la superficie de la banquise n'avait jamais été aussi faible. Ce représentant de l'UICN n'est pas optimiste. Face à l'emballement du réchauffement climatique, la survie à long terme de l'espèce lui paraît de plus en plus hypothétique. "C'est un animal grandiose, le seigneur du pôle nord, mais si l'on n'agit pas maintenant, tout de suite et très fort, il sera trop tard." Selon certains scientifiques, les ours polaires pourraient même s'éteindre d'ici 2100.

Un écosystème en péril

En plus d'incarner l'un des symboles des effets du changement climatique, l'ours blanc - de son nom scientifique ursus maritimus - représente également la partie émergée d'un écosystème en péril. Car si la fonte des glaces contribue à la disparition des ours blancs, elle participe aussi à la hausse du niveau des océans, modifie les courants océaniques qui contribuent à l'équilibre du système climatique et réduit la capacité de la Terre à réfléchir le rayonnement solaire. Ce qui signifie que plus la banquise va disparaître, plus le réchauffement climatique va empirer.

Pour Rémy Marion, photographe, vidéaste, conférencier et auteur de nombreux ouvrages sur les régions polaires, la protection de l'ours blanc dépasse largement la simple question de cette espèce, qui aura parfois été instrumentalisée au point de desservir sa cause.

"En réalité, il y a d'autres espèces, vivant notamment au pôle nord, qui souffrent davantage du changement climatique et qui sont bien plus menacées, pointe-t-il pour BFMTV.com. Je pense au narval, au morse, au renard polaire ou encore au lemming. Et je ne parle même pas du peuple inuit dont que l'on oublie trop souvent. L'ours polaire est devenu une sorte de super emblème qui a éclipsé tous les autres problèmes."

Protéger le pôle nord

Ce spécialiste de l'ours blanc considère ainsi que la protection de cette espèce s'envisage avant tout de manière globale. Et dénonce les politiques de préservation en zoo. Une aberration, estime-t-il.

"Ça ne fait aucun sens de vouloir reproduire une espèce en dehors de son milieu naturel. Et on ne peut pas non plus protéger une espèce plus qu'une autre, ajoute Rémy Marion. C'est tout l'écosystème du pôle nord et ses habitants qu'il faut prendre en compte."

Une seule solution, selon lui: changer radicalement de mode de vie pour réduire sensiblement les émissions de gaz à effet de serre. "Cela passe par des gestes au quotidien. On peut agir en faveur du climat. C'est possible mais encore faut-il que l'on s'y engage tous."

https://twitter.com/chussonnois Céline Hussonnois-Alaya Journaliste BFMTV