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Pesticides, bilan carbone... Pourquoi offrir des roses à la Saint-Valentin n'est pas une bonne idée pour la planète

Des roses pour la Saint-Valentin? Ces fleurs ne sont sans doute pas les plus respectueuses de l'environnement.

Des roses pour la Saint-Valentin? Ces fleurs ne sont sans doute pas les plus respectueuses de l'environnement. - PIERRE-OSCAR BRUNET / BFMTV

Offrir des roses le 14 février est une coutume bien ancrée. Pourtant, celles-ci ne sont pas de saison dans l'Hexagone à cette période de l'année. En outre, les productions de roses françaises sont très rares. Celles que l'on achète proviennent donc en quasi-totalité de l'étranger, avec un très mauvais bilan écologique.

Des roses pas si vertes. La Saint-Valentin est le jour de l'année où l'on voit se former devant les boutiques de fleuristes de longues files d'amoureux en quête d'un fameux bouquet de roses. Qu'elle soit rouge, rose ou encore orange, en fonction de la signification, cette fleur est devenue un symbole de l'amour.

En 2023, 1,4 million de foyers ont acheté des fleurs pour le 14 février et deux tiers des sommes dépensées étaient pour des roses, selon une étude Kantar pour Valhor et FranceAgriMer.

"La rose s'est vraiment standardisée pour la Saint-Valentin", commente Bruno Schiffers, ingénieur agronome et professeur honoraire de l'université de Liège, interrogé par BFMTV.com.

Pourtant, ce n'est pas forcément très logique ou naturel. Le mois de février n'est pas du tout la saison des roses, qui, sous nos latitudes, poussent à l'été. Par conséquent, les roses que nous offrons (ou que nous recevons) à la Saint-Valentin sont importées.

Des roses d'Afrique ou d'Amérique latine

Environ 85% des fleurs vendues en France sont cultivées à l'étranger, selon FranceAgriMer. Et la rose ne fait pas exception à la règle. Elle représentait même, en 2023, 40% de l'ensemble des fleurs coupées importées.

Elles viennent en grande partie du Kenya, très grand importateur mondial de fleurs, ou d'autres pays d'Afrique comme l'Éthiopie. Elles sont également beaucoup produites en Amérique latine, par exemple en Équateur ou en Colombie... Des pays où les conditions météorologiques sont idéales pour les cultiver.

Malgré un ensoleillement et des températures propices, la production est intensive et très énergivore. S'il n'y a généralement pas besoin de chauffage pour les cultiver, les roses sont par exemple éclairées quasiment en permanence.

Surtout, elles sont cultivées à grand renfort d'eau, d'engrais et de produits phytosanitaires, souvent très émetteurs de gaz à effet de serre, à l'instar des engrais azotés qui sont synthétisés à partir de gaz naturel.

Des employés coupent des roses pour l'exportation, à Bogota, en Colombie, le 31 janvier 2025.
Des employés coupent des roses pour l'exportation, à Bogota, en Colombie, le 31 janvier 2025. © Raul ARBOLEDA / AFP

Eau, engrais, pesticides...

Comme le souligne Bruno Schiffers, au Kenya, le lac Naivasha souffre des excès de l'industrie horticole. Les pesticides se retrouvent dans l'eau et les sols et contribuent à l'assèchement du lac. "Ça tue la biodiversité, par exemple les hippopotames ou les flamants roses et ça affecte également les populations locales pour avoir des roses impeccables en Europe", déplore-t-il.

Une étude menée par des chercheurs belges, dont Bruno Schiffers, et publiée en 2019 a confirmé la présence de nombreux résidus de pesticides sur les fleurs coupées. Les scientifiques ont prélevé un total de 42 échantillons d'urine chez des fleuristes et constitué un groupe de contrôle. Dans ces échantillons, on retrouvait un total de 70 résidus: 56 pesticides et 14 métabolites (molécules issues de pesticides dégradées), avec en moyenne 8 résidus par fleuriste.

Autre problème: plusieurs pesticides utilisés à l'étranger sont interdits à l'usage en France "en raison de l'impact sur la santé ou l'environnement" "Ils sont utilisés là-bas car ils sont moins chers et facilement disponibles", explique Bruno Schiffers.

Des ouvriers d'une ferme floricole transportent en tracteur des roses réservées, à Nakuru, au Kenya, le 23 mars 2020.
Des ouvriers d'une ferme floricole transportent en tracteur des roses réservées, à Nakuru, au Kenya, le 23 mars 2020. © Yasuyoshi CHIBA / AFP

Et les conséquences peuvent être graves pour les fleuristes, y compris en France. Il y a quelques mois, la justice a reconnu un lien entre la mort d'une jeune enfant et le métier de fleuriste de sa mère, à cause de l'exposition aux pesticides lorsqu'elle était enceinte. L'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) a récemment été chargée d'une première étude pour déterminer dans quelles mesures les fleuristes sont exposés à ces produits.

Transport réfrigéré

À cette production très polluante s'ajoute également le transport pour amener ces roses jusqu'en France. D'abord, pour que ces dernières tiennent le voyage et soient toujours flamboyantes à l'arrivée, on leur ajoute d'autres produits, notamment des conservateurs dans l'eau.

Les roses voyagent ensuite sur des milliers de kilomètres en avion. Puis, elles prennent la route vers nos boutiques en camion réfrigéré pour arriver fraîches à destination. Ce transport est donc très émetteur en gaz à effet de serre, responsable du changement climatique d'origine humaine, que ce soit à cause des carburants ou de la réfrigération.

En outre, très souvent, avant d'arriver en France, les fleurs font d'abord un arrêt aux Pays-Bas, le principal grossiste de produits horticoles en Europe. En 2019, 84% des fleurs coupées vendues en France venaient de là. "D'ailleurs, lorsqu'on voit qu'une fleur est originaire des Pays-Bas, cela ne veut pas forcément dire qu'elle y a été cultivée mais souvent qu'elle y a seulement transitée en provenance de pays bien plus lointains", souligne Bruno Schiffers.

Des ouvriers chargent des paquets de fleurs dans un avion avant l'exportation à l'aéroport international El Dorado de Bogota, en Colombie, le 5 février 2025, avant la Saint-Valentin.
Des ouvriers chargent des paquets de fleurs dans un avion avant l'exportation à l'aéroport international El Dorado de Bogota, en Colombie, le 5 février 2025, avant la Saint-Valentin. © Raul ARBOLEDA / AFP

Conséquence de tout cela: les roses importées ont une empreinte carbone très élevée. Selon l'UFC-Que Choisir, un bouquet de 15 fleurs importées (7 roses et 3 gypsophiles du Kenya, et 5 lilas des Pays-Bas par exemple) émet 36kg d'équivalent CO2.

À titre de comparaison, une chercheuse de l'université de Lancaster, au Royaume-Uni, rappelle qu'un vol Paris-Londres équivaut à 58kg d'équivalent CO2 par personne. Chiffre plus surprenant encore, une rose cultivée en serre chauffée aux Pays-Bas peut avoir une empreinte carbone bien plus élevée qu'une rose importée du Kenya ou de l'Équateur.

À l'inverse, toujours selon l'UFC-Que Choisir, un bouquet varié de 15 fleurs françaises produit en moyenne 1,7 kg d'équivalent CO2.

Une très rare production en France

Alors, est-ce des roses cultivées en France existent? C'est très rare, mais oui. "En hiver, nous ne sommes pas dans les bonnes conditions atmosphériques", rappelle Bruno Schiffers.

Selon Hélène Taquet, fondatrice et présidente du Collectif de la fleur française, il y a une dizaine de producteurs de roses en France. La plupart cultivent donc leurs roses en été, mais trois producteurs basés dans le Var en produisent également en hiver, et donc pour la Saint-Valentin, grâce au mercure clément toute l'année dans le département. Pour cela, les roses poussent sous abris, comme la majorité des fleurs en France, "pour les protéger des intempéries".

"On ne peut pas subvenir à la demande, encore moins à la Saint-Valentin, avec la production française", explique Hélène Taquet.

Cette dernière remarque néanmoins un véritable engouement pour les fleurs locales et une prise de conscience. "Il va falloir relocaliser", abonde-t-elle.

"L'avantage des roses cultivées en France, c'est que c'est fait dans le respect de normes françaises strictes et en biocontrôle (méthode alternative au modèle de l'agrochimie fondé sur l'utilisation de mécanismes naturels, NDLR)", précise Hélène Taquet.

Bonne nouvelle, il existe des alternatives

En outre, il existe de nombreuses alternatives aux roses, notamment des fleurs locales, cultivées en plein champ ou sous serre non chauffée, dont les espèces et variétés changent au fil des saisons. "Les serres, ça peut être juste des tunnels en plastique", rappelle Bruno Schiffers, qui note toutefois que s'il y a du gel, la production se trouve immédiatement très endommagée.

"À la Saint-Valentin, les fleurs viennent surtout du sud de la France, donc si on vient du Nord, il faut les faire venir, mais c'est bien moins loin que l'importation", note Hélène Taquet.

La spécialiste suggère notamment d'opter pour la renoncule, physiquement proche de la rose et qui fleurit de novembre à mars. Les anémones sont également de saison, tout comme le mimosa, pour amener de la couleur à l'hiver, ou encore les tulipes. "Il y a aussi le pavot, les œillets de Nice, les hellébores et les quelques roses françaises", liste Hélène Taquet.

Elle affirme, par ailleurs, qu'"à fleur égale, ce n'est pas plus cher d'acheter français qu'importé". "Et les fleurs locales de saison vont tenir plus longtemps car elles sont cueillis au bon stade de la cueillette" et qu'elles n'ont pas eu à subir le long voyage depuis un autre continent.

Le label "Fleurs de France" certifie une production sur le territoire national et est "réservé aux végétaux produits par des horticulteurs et des pépiniéristes français engagés dans une démarche éco-responsable ou de qualité reconnue", indique le ministère de l'Agriculture sur son site.

D'autres labels existent également pour garantir de bonnes pratiques environnementales et sociales lors de la production. Toutefois, selon Bruno Schiffers, "il n'y pas vraiment de calculs fiables et on manque de données sur l'empreinte de ce secteur par rapport à d'autres".

Hélène Taquet invite à ne pas hésiter à demander des informations à son fleuriste concernant la provenance ou la manière de production des fleurs. Selon elle, cela permet, en outre, à ce que "eux aussi prennent conscience que le consommateur attache de l'importance à ces questions".

Autre alternative: les fleurs séchées, qui constituent un cadeau qui dure dans le temps. Sinon, pour la Saint-Valentin, d'autres attentions, matérielles ou non, existent. "L'intention reste importante", rappelle Hélène Taquet.

Salomé Robles