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L'instinct de meurtre est un héritage de nos cousins primates

Combat de singes. (illustration)

Combat de singes. (illustration) - Antony Stanley - Flickr - CC

Quelle espèce tue le plus ses semblables? Non, la réponse n'est pas l'Homme. A vrai dire, il ne se hisse même pas dans le top 5 des "animaux" les plus violents, révèle une étude parue dans Nature.

Etes-vous plutôt Hobbes ou plutôt Rousseau? Pensez-vous que "l'homme est un loup pour l'homme" ou que le mythe du "bon sauvage" perverti par la civilisation est davantage conforme à une "nature humaine"? Si la querelle philosophique perdure depuis le 17e siècle, la science contribue à faire avancer le débat. Un article publié le 28 septembre dans la revue scientifique Nature révèle que si l'homme en vient parfois à tuer ses semblables, c'est, hors des défis civilisationnels qui se dressent devant lui et de l'évolution technique, parce qu'il a hérité cet instinct de l'évolution.

L'étude menée par une équipe de la Station expérimentale des zones arides d'Almeria et de l'université de Grenade, en Espagne, a duré deux ans. Un travail colossal a été accompli pour répertorier quelque quatre millions de violences mortelles, répartis sur 1024 espèces. Un demi-siècle de littérature scientifique a été épluchée, dont 3500 articles traitant de la violence entre mammifères d'une même espèce et 1000 autres analysant les causes de la mortalité humaine.

Les primates surreprésentés 

Or, il apparaît que les agressions létales spécifiques concernent 40% des mammifères. Contrairement à une idée reçue qui verrait les grands fauves ou les hyénidés en tête de liste, les champions du meurtre entre-soi sont les suricates, dont presque un sur cinq meurent sous les coups de ses affins. Ils sont suivis par les singes ascagnes et bleus, trois espèces de lémuriens, les lions de mer de Nouvelle-Zélande, la marmotte à queue longue et enfin le lion, relégué au 9e rang. Le fameux loup, ici "gris", ne tient que la onzième place, derrière la mangouste rayée. Beaucoup de carnassiers figurent dans cette liste, mais des animaux réputés plus pacifiques ne sont pas épargnés. On y trouve des ongulés comme la gazelle dama ou les chevaux, mais aussi l'écureuil terrestre de Californie.

Si les espèces perçues dans l'imaginaire collectif comme les plus menaçantes ne sont forcément en tête du classement, il faut reconnaître que les primates, dont l'homme descend, sont surreprésentés. Alors que le chiffre moyen d'agressions létales au sein d'une même espèce pour l'ensemble des mammifères étudiés est de 0,3%, les primates atteignent les 2%. 

Et l'homme dans tout ça?

Le débat sur la place de l'homme dans ce "classement" des espèces meurtrières est éminemment plus compliqué. Certes, une part de la violence héritée, sans d'ailleurs que l'étude n'explique vraiment pourquoi, semble découler de la place occupée par telle ou telle espèce dans l'arbre phylogénétique. Soit un ordonnancement des espèces qui, pour simplifier, prend en compte les liens de parentés entre elles au regard de la théorie de l'évolution. En clair, parce que l'homme est un primate, sa disposition "naturelle" à tuer ses congénères se trouve dans la moyenne, à plus ou monis 2%. Neandertal ou Sapiens répondaient à ce schéma, notent les chercheurs. Ils ajoutent à ce paramètre que plus une espèce est territoriale et sociale, plus la violence létale se fait prégnante.

C'est ensuite, avec l'émergence des premières sociétés humaines que les choses se compliquent. Les scientifiques ont d'abord dégagé des données recueillies une évolution chronologique. Ainsi, la violence létale faible au paléolithique connaît un pic au mésolithique avant de redescendre un peu au néolithique. Elle remonte ensuite nettement à l'âge de fer pour perdurer jusqu'au Moyen âge (un peu moins de 10%, tout de même). L'âge moderne est en revanche plus clément, malgré les meurtres de masses organisés à certaines périodes de guerre mondiale.

Ensuite, les variations dans cette violence sont également tributaires de l'organisation sociétale du groupe humain considéré. Ainsi, de manière très nette, il ressort de ces recherches que les organisations en tribus ou celles qui voient la domination d'un chef, sont bien plus génératrices de violences entraînant la mort que les modes d'organisation étatique. Il semble bien au final que Hobbes l'emporte aux poings, contre Rousseau.

David Namias