"L'Affaire du siècle": la justice ordonne à l'État de "réparer" ses engagements non tenus sur le gaz à effet de serre

Action des ONG de l'Affaire du siècle (Greenpeace France, Oxfam France, la Fondation Nicolas Hulot, Notre affaire à tous), juste avant une audience devant le tribunal administratif de Paris le 14 janvier 2021, où ils demandaient la reconnaissance d'une défaillance de l'etat dans la lutte contre le réchauffement climatique - Thomas SAMSON © 2019 AFP
Il s'agit d'une grande victoire pour la cause écologique. Ce jeudi, la justice administrative a ordonné à l'État de "réparer" ses engagements non tenus de baisse des émissions de gaz à effet de serre pour lutter contre le réchauffement climatique, dans une nouvelle décision contre le gouvernement en la matière.
Le Tribunal administratif de Paris a donné raison à quatre ONG, rassemblées sous la bannière "l'Affaire du siècle" et soutenues par une pétition de plus de 2,3 millions de citoyens, qui l'avaient saisie début 2019 pour faire constater les carences de l'État dans la lutte contre le réchauffement sur la période 2015/2018.
Échéance au 31 décembre 2022
Selon les juges, "il y a lieu d'ordonner au Premier ministre et aux ministres compétents de prendre toutes les mesures sectorielles utiles de nature à réparer le préjudice à hauteur de la part non compensée d'émissions de gaz à effet de serre au titre du premier budget carbone" (2015/18, le déficit par rapport aux objectifs étant quantifié à 15 millions de tonnes d'équivalent CO2), écrivent les juges.
Le jugement laisse le choix des mesures à prendre à "la libre appréciation du gouvernement" mais fixe un échéancier, prévoyant que "cette réparation soit effective au 31 décembre 2022, au plus tard". Il rejette par contre la demande des ONG d'une astreinte financière de 78 millions par semestre de retard.
En février 2021, le tribunal avait une première fois donné raison aux plaignants en déclarant l'État "responsable" des manquements aux engagements qu'il a lui-même pris, dans le cadre de l'accord de Paris ou des "budgets carbone" dont la France s'est dotée. Ils avaient dans un deuxième temps demandé au Tribunal cette injonction de réparation.
Les associations se réjouissent
Sur Twitter, Jean-François Julliard, directeur général de Greenpeace France, l'une de ces quatre associations, s'est réjoui de la décision et a évoqué "une journée décisive pour la justice climatique."
Il est rejoint par l'ancienne ministre de l'Égalité des territoires et du Logement et actuelle dirigeante d'Oxfam, Cécile Duflot, qui sur le même réseau social a tenu à envoyer un message à "ceux qui pensaient que jamais ça n’arriverait, ceux qui croyaient que c’était de la com’, ceux qui se rassurent en disant qu’on verra pas qui sont les responsables de la catastrophe."
"On y est", a-t-elle exulté. "Ok il a fallu trois ans mais on est là. Ensemble. Nous sommes deux millions!!!"
De son côté, Notre Affaire à tous, une association qui défend la justice climatique, rappelle que "les dirigeants sont désormais OBLIGÉS de respecter les engagements climatiques" de la France.
Série de condamnations
Cette décision est la dernière dans une série condamnant l'État pour ses manquements dans la lutte contre le réchauffement climatique.
En juillet, dans une décision séparée qualifiée "d'historique" par les militants écologistes, le Conseil d'État, plus haute juridiction administrative du pays, avait déjà ordonné à l'État de prendre d'ici au 31 mars 2022 des mesures permettant de respecter ses engagements de baisse des émissions de gaz à effet de serre.
Là, la justice avait imposé "au Premier ministre de prendre toutes mesures utiles permettant d'infléchir la courbe des émissions de gaz à effet de serre (...) afin d'assurer sa compatibilité avec les objectifs" de la France.