VIDEO - "Lâchez-nous la grappe!": les agriculteurs descendent dans la rue

A l'appel de la FNSEA, plusieurs mobilisations d'agriculteurs vont se dérouler en France, ce mercredi. Photo datant de février 2014. - Philippe Desmazes - AFP
Les agriculteurs, qui se sentent incompris et accablés par les contrôles et les réglementations, ont mené des actions mercredi dans tout le pays pour crier leur ras-le-bol. Mais aucun débordement n'était à déplorer à la mi-journée, malgré un climat explosif ravivé par le débat autour du barrage de Sivens, un projet légitime selon eux, destiné à irriguer leurs terres.
Des milliers d'agriculteurs et des centaines de tracteurs ont manifesté, comme à Toulouse, Dijon, Pau, Nancy ou à Strasbourg et dans plus de cinquante départements. Les agriculteurs franciliens ont distribué gratuitement des fruits et légumes place de la République, à Paris, et dans plusieurs autres départements, ils ont proposé leur fumier aux urbains possédant un jardin.
En début d'après-midi, la plupart des actions touchaient à leur fin et un seul incident était à relever: un agriculteur a reçu un coup de taser tiré par un policier devant la cité administrative de Lille, vers 3 heures du matin. "C'est une mobilisation historique, et c'est un grand succès parce que cela s'est fait sans débordements", a estimé en Lorraine Jérôme Mathieu, président de la fédération régionale de la FNSEA.
Un monde agricole en colère
Dès la rentrée, le monde agricole n'a pas caché sa colère. Embargo russe sur les produits alimentaires, effondrement des cours des céréales, revenus en berne et élargissement de la directive nitrates: le manque de compétitivité et l'empilement de contraintes rendent le travail des exploitants "impossible", explique Guy Vasseur, président des Chambres d'agriculture.
L'exaspération est allée jusqu'à l'incendie fin septembre d'un centre des impôts et de la Mutualité agricole à Morlaix, dans le Finistère.
Huit revendications portées
Dépassée par sa base, la FNSEA a depuis tenté de reprendre l'initiative, multipliant les rendez-vous jusqu'à Matignon, et portant huit revendications.
Depuis, au moins deux d'entre elles sont tombées. Le gouvernement a enterré sine die l'écotaxe et le ministre de l'Agriculture, Stéphane Le Foll, a procédé au versement par anticipation de 3,4 milliards d'euros d'aides de la Politique agricole commune (PAC).
Mais il reste au moins deux points de rupture: la FNSEA et son allié les Jeunes Agriculteurs ne veulent pas du "zonage directive nitrates tel qu'il est annoncé", et ils demandent par ailleurs aux collectivités et à l'Etat de montrer l'exemple, en confectionnant en restauration collective au moins deux plats sur trois à partir de produits français.
"Tout est explosif"
La dernière réglementation sur les nitrates (dérivés des engrais azotés) a fait basculer près de 4.000 communes et 63.000 exploitations dans l'illégalité et leur impose des investissements parfois coûteux pour limiter la pollution des eaux et une éventuelle prolifération d'algues vertes.
Les Chambres d'agriculture, elles, se sont greffées aux actions pour dénoncer la ponction par l'Etat de 60 millions sur leur budget (700 millions). Mercredi, elles seront "portes fermées" et n'assureront que les urgences.
"Dans les milieux agricoles tout est explosif. Et là, il y a la dégradation des marchés, les règlements où la France en ajoute par rapport à Bruxelles et la goutte d'eau de l'élargissement de la directive nitrates", explique Guy Vasseur.
Le projet contesté du barrage de Sivens au coeur de la contestation
Le barrage de Sivens a contribué à raviver l'exaspération: les agriculteurs craignent l'abandon d'un projet destiné à irriguer les exploitations agricoles. Après la mort d'un militant écologiste lors d'une manifestation le président de la FNSEA, Xavier Beulin, n'a pas hésité à traiter de "jihadistes verts" les opposants au projet.
"Cette retenue d'eau, il faut la faire" car de nombreux agriculteurs sont confrontés à de véritables difficultés d'irrigation, a surenchéri lundi Dominique Barrau, secrétaire général.
Des débordements redoutés
"Il pourrait y avoir des propos qui mettent le feu aux poudres", craint Guy Vasseur. Dominique Barrau appelle "au calme", rappelant qu'"une manifestation réussie, c'est une manifestation où la violence ne doit pas prendre le dessus". Mais le syndicaliste craint "la possibilité de quelques débordements à Toulouse".
Sur place, Stéphane Gieules, président de la FRSEA Midi-Pyrénées rappelle que l'action portera surtout sur la directive nitrates et les zones vulnérables et que le barrage de Sivens "n'est pas du tout l'objet du rassemblement".
De son côté, le syndicat minoritaire de la Coordination rurale avait demandé une manifestation conjointe "afin de s'unir contre la directive nitrates".
Mais ni FNSEA/JA ni l'autre syndicat minoritaire de la Confédération paysanne n'ont répondu favorablement à cette demande.