Toussaint: deux semaines de vacances, ça change quoi?

Voyage à l'étranger, week-end dans une grande ville ou séjour en famille: les vacances de la Toussaint sont devenues de vraies vacances.

"Mais oui, mais oui, l'école est finie!" À partir de ce vendredi soir et pour quinze jours, écoliers, collégiens, lycéens et enseignants sont en vacances. Après des décennies de fluctuations entre sept, dix ou quinze jours, les congés de la Toussaint ont été fixés depuis 2012 à deux semaines.

Beaucoup de city break

Deux semaines de vacances qui changent la donne, assure à BFMTV.com Didier Arino, directeur du cabinet Protourisme, spécialiste des études et du conseil dans les secteurs du tourisme. Car les Français partent de plus en plus, et de plus en plus loin. "Ce sont des vacances de plus en plus importantes et la demande est de plus en plus forte."

Avec des durées de séjour variables: de quelques jours à une dizaine de jours, à l'image de la démultiplication des formules et des pratiques avec des séjours à deux, en groupe ou en famille.

"À l'étranger, la moyenne est de neuf jours pour les longs-courriers, mais cela ne veut pas dire grand chose car il y a aussi beaucoup de city break (séjours de courte durée, ndlr), notamment dans les grandes villes européennes", poursuit Didier Arino. 

Des séjours de plus en plus longs

Pour le groupe Pierre et Vacances - Center Parcs, l'allongement des vacances de la Toussaint a fait décoller les réservations. Hausse du taux de remplissage, réservations anticipées: elles sont devenues des vacances à part entière, indique à BFMTV.com Grégory Sion, directeur commercial, digital et innovation.

"Depuis plusieurs années, la durée moyenne s'est allongée et les vacanciers partent une semaine entière, avec la deuxième semaine souvent privilégiée en raison du pont du 1er novembre. Cette année, elle est même remplie à 90% dans les Center Parcs."

La tendance pour le groupe: des séjours relativement proches du domicile, entre 300 et 400 km. L'autre spécificité de la Toussaint, ce sont les prix attractifs. "Ce sont les vacances les moins chères, ajoute Grégory Sion. Ce qui explique certainement le phénomène."

Même analyse pour Serge Laurens, directeur général adjoint de TUI France. "Les vacances de la Toussaint sont devenues un rendez-vous structurant et un moment de départ privilégié pour les familles", assure-t-il à BFMTV.com. Avec pour les séjours en club des destinations soleil: l'Espagne et les Canaries, le Maroc et la Tunisie ou encore la Grèce. Lui aussi remarque que ces vacances sont largement anticipées: "les réservations se font en moyenne trois mois à l'avance", ajoute Serge Laurens.

Des vacances en famille

Deux semaines de vacances qui sont salutaires, explique à BFMTV.com Laurent Frajerman, chercheur à l'institut de recherches de la FSU et au centre d'histoire sociale de Paris I. Aussi bien pour les professeurs que pour les élèves, alors que le calendrier scolaire se compose de sept semaines de cours suivies de deux semaines de vacances. "C'est une question de respiration, de pause. Cela répond à un réel besoin, quel que soit l'âge des élèves", ajoute ce professeur agrégé d'histoire.

Pour eux, ces deux semaines de repos sont avant tout l'occasion de retrouvailles en famille. "La Toussaint est marquée par un fort rite de société. Cela reste un moment majeur en famille même si la fête des morts s'est laïcisée." Et pour les professeurs, elles ne sont pas forcément l'occasion de départ. "Leurs budgets ont tendance à baisser, ils vont plutôt privilégier de petites vacances fractionnées tout au long de l'année."

Mais pour Jean Viard, directeur de recherches CNRS au centre de recherches politiques de Sciences po, bien qu'allongées, les vacances de la Toussaint ne sont pas pour autant des vacances comme les autres. "Les Français partent essentiellement l'été, une quinzaine de jours, et une semaine l'hiver mais pour seulement pour 10% d'entre eux. À la Toussaint, les phénomènes de déplacement se cantonnent aux familles bourgeoises qui ont une résidence secondaire."

Le reflet des inégalités

En effet, tout le monde ne part pas. "La clientèle qui voyage à la Toussaint est la même que celle qui part en février, plutôt chez les CSP+", explique Grégory Sion, du groupe Pierre et Vacances - Center Parcs. Ce que confirme le sociologue Jean Viard. 

"L'école est gratuite pour tout le monde, mais pas les vacances. Si 100% des enfants vont à l'école, un enfant sur trois ne part pas durant l'année."

Pour ce spécialiste du tourisme, ces congés ne sont que le reflet des inégalités.

"Pour les familles les plus aisées, ce sont des vacances synonyme de promenades à la campagne. Pour les plus populaires, cela se résume à quinze jours de télé, ajoute Jean Viard. Sur le papier, on pense que deux semaines permettent aux enfants de se reposer. Mais dans la réalité, faute de moyens financiers au sein des familles ou de budget alloué par les communes, ces vacances intermédiaires, comme les autres, restent très discriminantes."

Céline Hussonnois-Alaya