Que sont les MOAH, ces huiles minérales "toxiques" retrouvées dans du lait pour bébé?

- - GUILLAUME SOUVANT / AFP
Des composés chimiques dérivés du pétrole dans du lait infantile? L’ONG Foodwatch a tiré jeudi la sonnette d’alarme en pointant la présence "d'huiles minérales dangereuses pour la santé dans des laits en poudre vendus en France par Nestlé et Danone".
"Ces hydrocarbures aromatiques d’huiles minérales, les MOAH, n’ont rien à faire dans nos aliments, et encore moins dans les produits destinés aux tout-petits", tance dans un communiqué Camille Dorioz, responsable de campagnes de l’association.
Pourquoi les MOAH inquiètent-t-elles tant? Ces huiles minérales sont des mélanges d'hydrocarbures contenant "des milliers de composés chimiques" qui proviennent principalement du pétrole, du charbon, du gaz naturel et de la biomasse, explique l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) qui considère comme "préoccupante" l’exposition à ces produits.
En effet, les hydrocarbures d’huiles minérales dits "aromatiques" - comme ceux retrouvés dans le lait en poudre - peuvent agir comme des "cancérigènes génotoxiques (en endommageant l’ADN, le matériel génétique des cellules, et également provoquer le cancer)", souligne l’EFSA dans un avis rendu en 2012.
Produits "potentiellement cancérogènes"
Ces produits "potentiellement cancérogènes, mutagènes et perturbateurs endocriniens", ajoute le responsable de campagnes de Foodwatch contactée par BFMTV.com, sont notamment présents dans les encres et les adhésifs utilisés sur les emballages alimentaires.
"On en retrouve également dans les emballages en carton et papier recyclés, souligne Camille Dorios. Ces matières contenaient initialement des encres porteuses de MOAH, le recyclage ne permet pas de les faire disparaître, ces composés chimiques se fondent dans le papier ou le carton au moment du recyclage".
De nombreux contaminants "migrent" de l’emballage à la nourriture "soit par contact direct, soit par phase gazeuse. Les huiles ont une capacité surprenante à se déplacer et à pénétrer la nourriture", nous explique Camille Dorioz. Ils peuvent aussi contaminer notre nourriture "via quantité d’autres sources, avant même d’être emballés, car l’industrie agroalimentaire y a recours pour de multiples usages. Par exemple comme lubrifiants ou anti-poussière pour les machines qui servent à la production ou à la récolte", illustre l’association qui alerte sur ce danger depuis 2015.
Cette année-là, Foodwatch avait suscité une vive émotion en France en publiant les résultats d'une étude selon laquelle 60% des aliments de grande consommation testés (riz, céréales, lentilles, couscous, pâtes), dont beaucoup de marques de distributeurs, étaient contaminés par ces dérivés d'hydrocarbures. Depuis, six acteurs de la distribution française, E. Leclerc, Carrefour, Lidl, Intermarché, Système U et Casino, ont pris des engagements pour réduire la contamination par les MOAH.
Leviers technologiques
Depuis 2017, l'Anses recommande aux fabricants d'emballages de revoir leur "procédé de fabrication" et "d’utiliser des encres d’impression, colles, additifs et auxiliaires technologiques exempts de MOAH dans le procédé de fabrication des emballages en papiers et cartons". L’agence conseille par ailleurs de conduire des études afin d’identifier les étapes qui conduisent à la création d’hydrocarbures d’huiles minérale lors du recyclage.
"Cela permettra d’identifier les leviers technologiques permettant de réduire la contamination des fibres recyclées", projette-t-elle.
Malgré ces recommandations, Foodwatch dénonce une absence de retour de la part des autorités sanitaires, tant françaises qu'européennes, et des industriels.
"Tout le monde est au courant des risqués liés aux MOAH, tout le monde a les moyens de les limiter, alors pourquoi tout le monde ne s’y engage pas?" s’étonne Camille Dorioz, de Foodwatch qui lance une pétition en France, en Allemagne et aux Pays-Bas pour que Nestlé et Danone s’engagent à vendre des produits sans aucun MOAH détectable.
Nestlé a assuré comprendre "que le rapport Foodwatch puisse susciter des inquiétudes chez les parents" et a affirmé que le groupe allait travailler avec l’ONG "afin de mieux comprendre leurs conclusions". Danone en revanche a répliqué dans un communiqué ne pas utiliser "de composé d'huiles minérales dans nos recettes. Nous contrôlons régulièrement leur éventuelle présence dans nos produits dans le cadre de nos plans de vigilance depuis plusieurs années", a ajouté le groupe qui assure que ses "standards internes imposent des contrôles extrêmement rigoureux qui vont au-delà de la réglementation applicable".