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Société

Pourquoi les riches sont les bêtes noires des Français

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Selon un récent sondage, près de 4 Français sur 5 estiment que les riches sont mal perçus en France. Un héritage « de la révolution française », et du « chantage à l’expatriation fiscale », selon plusieurs spécialistes.

Comme un air de lutte des classes. Selon une enquête Ifop réalisée pour Prêt d’Union, un établissement de crédit entre particuliers, 78% des Français estiment qu'être riche est « mal », voire « très mal » perçu en France et moins d'un tiers seulement considèrent que « la société encourage les Français à gagner de l'argent à et devenir riches ». Les riches sont-ils la bête noire des Français ?

« Il faut travailler sur notre jalousie »

Pour Pierre Kosciusko-Morizet entrepreneur français co-créateur du site de ventes en ligne PriceMinister, « il ne faut pas en vouloir aux gens riches, de même qu’il ne faut pas en vouloir à ceux qui sont en bonne santé, grands, ou beaux. Il y a une fausse idée qui consiste à penser que les riches le sont parce qu’ils ont pris de l’argent aux pauvres. Tant qu’on reste dans cette logique, on tourne en rond », juge-t-il.
En effet, après avoir revendu son entreprise pour 200 millions d’euros, il considère que « chaque fois que quelqu’un gagne de l’argent, les gens autour en gagnent, et plus ! Price Minister, c’est 10 000 emplois indirects créés en France, et avec l’argent que j’ai gagné dans la vente il y a 2 ans, j’ai investi dans 30 entreprises qui ont elles-mêmes créé plusieurs milliers d’emplois. Une fois qu’on a compris ça, on ne peut plus en vouloir à quelqu’un de gagner de l’argent ». Le chef d’entreprise pointe aussi du doigt des sentiments humains qui n’ont pas leur place dans ce raisonnement. « Il faut travailler chacun sur notre jalousie, ce n’est pas un sentiment très noble, il faut juste essayer d’être heureux sans embêter les autres ».

« Pas de réconciliation sans arrêt du chantage à l’expatriation fiscale »

A l’inverse, pour Vincent Drezet, du syndicat Solidaires finances publiques et auteur de Il faut faire payer les riches, la mauvaise image des riches n’est pas totalement injustifiée. « Tant qu’il y aura un chantage à l’expatriation fiscale, il n’y aura pas de réconciliation possible. On a un système fiscal qui repose principalement sur les classes moyennes et modestes. Aujourd’hui, on est à la limite, on ne peut pas augmenter les impôts sur ces classes, or on a besoin d’argent et on ne peut pas laisser dire "puisque c’est ça, on va s’en aller", car ce chantage-là va laisser le coût de la crise se reporter sur les classes moyennes et modestes. Le risque, s’ils continuent à licencier et faire pression sur les salaires alors qu’ils font des bénéfices, c’est que la réconciliation soit très difficile ».

« Sans égalité, on ne peut pas dire qu’on est dans une vraie démocratie »

Pour Noam Léandri, président de l’Observatoire des inégalités, cette vision des riches est principalement due à notre histoire. « Ça vient un peu de la révolution française, la démocratie qui veut l’égalité des droits a conduit les gens à vouloir l’égalité des fortunes, des moyens économiques », explique-t-il. « Dès lors qu’on a accordé la démocratie, il est très légitime de peser sur l’élu pour demander de la justice sociale, de la justice économique. C’est pour ça que les riches ont mauvaise presse, car ils montrent clairement, quand il y a de très grands écarts de revenus, que l’égalité est en droits, pas en faits. Sans égalité, on ne peut pas dire qu’on est dans une vraie démocratie ».

M. Chaillot avec Jamila Zeghoudi