Le crime raciste du "Train d'enfer" commémoré trente ans après

Photo d'illustration - Habib Grimzi a été précipité d'un train en pleine nuit du 14 au 15 novembre 1983 par trois aspirants à la Légion étrangère - -
Il y a trente ans, jour pour jour, Habib Grimzi, touriste oranais de 26 ans, en visite en France pour la première fois, était défénestré du train reliant Bordeaux à Vintimille, en pleine nuit, par trois postulants à la Légion étrangère.
Alors que le débat sur un regain de racisme en France agite actuellement la classe politique, le ministre délégué à la Ville, François Lamy, se rendra vendredi après-midi à Castelsarrasin, dans le Tarn-et-Garonne, près des lieux où l'Algérien a été assassiné. Une plaque sera dévoilée à sa mémoire.
"Quand je vois un Arabe, j'ai envie de lui taper dessus"
Le jeune homme s'apprêtait à regagner son pays après être venu rencontrer une correspondante française. Il avait été passé à tabac et poignardé par Anselmo Elviro-Vidal, Marc Béani et Xavier Blondel. Les trois hommes, à peu près du même âge que leur victime, se rendaient à Aubagne sous la surveillance d'un caporal-chef pour être incorporés dans la Légion.
La question du racisme exacerbé par l'alcool avait été centrale au cours du procès en 1986, en pleine campagne pour les législatives qui allaient envoyer pour la première fois des députés du Front national à l'Assemblée. Elviro-Vidal reconnaissait ouvertement ne pas aimer "les Arabes. Quand je vois un Arabe, j'ai envie de lui taper dessus".
Des dizaines de passagers sans réaction
Habib Grimzi, qui se réjouissait quelques jours plus tôt de l'accueil reçu en France, avait eu le tort de ne pas se trouver ailleurs quand ses agresseurs, déambulant ivres dans le train pendant que le caporal-chef dormait, l'avaient repéré dans son compartiment.
Ils l'avaient roué de coups une première fois. Le contrôleur, pour le protéger, l'avait isolé au bout du dernier wagon. Elviro-Vidal, Béani et Blondel l'y avaient retrouvé et s'étaient acharnés sur lui. Puis Habib Grimzi avait été jeté par la portière, dans un cri.
Ses hurlements n'avaient pas convaincu les dizaines de passagers présents de la nécessité d'intervenir. Malgré l'émotion suscitée par le crime, seuls quelques-uns avaient témoigné.
Première Marche des Beurs
Elviro-Vidal et Béani avaient été condamnés en 1986 à perpétuité, Blondel à 14 ans. La peine de Béani, cassée pour vice de forme, avait été ramenée à vingt ans à l'issue d'un second procès.
L'affaire avait suscité une émotion d'autant plus vive qu'elle survenait en pleine Marche des Beurs, première marche antiraciste à travers la France, après plusieurs évènements comme les affrontements aux Minguettes dans la banlieue lyonnaise et après l'alliance de la droite avec le Front national aux municipales partielles de Dreux. Elle avait marqué les esprits au point d'inspirer à Roger Hanin le film "Train d'enfer".
D'anciens participants à la Marche des Beurs sont annoncés vendredi aux côtés du ministre et du consul d'Algérie à Castelsarrasin.