La Résistance aux Antilles: un héroïsme méconnu

EDITO - Les Français se rappellent du plateau des Glières, du maquis du Vercors, du réseau Combat, des FTP, des cheminots. Des Bretons prenant les voiles dans des embarcations de pêche pour gagner l’Angleterre. Et pourtant, les Antilles françaises aussi ont joué un rôle dans la Résistance.

J’ignorais largement que des milliers d’Antillais firent comme ces Bretons, partis traverser la Manche pour rallier les Forces françaises libres. Entre 4.000 et 5.000 jeunes adultes rejoignirent par la mer les îles britanniques de Dominique et de Sainte-Lucie pour s’engager dans l’armée de la France libre. Des centaines se noyèrent lors du passage, si bien que ceux qui accostaient se sentaient miraculés.

Ils furent envoyés à Fort Dix dans le New Jersey, pour y être formés. Puis ils intégrèrent la Bataillon de Marche des Antilles. Pour rappel, toute la Martinique, la Guadeloupe et la Guyane étaient passées sous le contrôle du régime de Vichy lors de la défaite française, en 1940. Les gouverneurs locaux appliquaient alors les lois vichystes, les quelques juifs locaux subissant les lois raciales, qui ne concernaient pas nommément les Noirs.

Cependant, la crainte du rétablissement de l’esclavage en cas de victoire du nazisme était forte. L’un de ces vétérans décorés, Salinière Ségor, Guadeloupéen de 94 ans, explique: "Liberté, Égalité, Fraternité avait été enlevé des mairies, et nous savions ce que cela voulait dire." Les Antillais entrés en Résistance furent appelés "dissidents" par les autorités vichystes.

Envoyés en Italie, en Normandie et en Provence

Mis au ban, ils gagnèrent néanmoins en influence. À l’été 1943, des mouvements anti-vichystes et le ralliement des forces terrestres de Martinique à De Gaulle, forcèrent les gouverneurs pétainistes sur place à démissionner. Mobilisés dans les îles, les Antillais des Forces françaises libres se retrouvèrent également envoyés sur le terrain. En Italie d'abord, puis une poignée débarqua en Normandie, le gros des troupes étant envoyé en Provence, en août 1944, où ils remontèrent les combats jusqu'en Alsace. Des années plus tard, ces résistants allaient se retrouver cités dans les Mémoires de De Gaulle, publiés entre 1954 et 1959.

Pour commémorer les 70 ans du Débarquement allié, six de ces "dissidents" engagés dans les Forces françaises libres, dont une femme guyanaise, ont été reçus à l’Élysée. Lundi, ils ont eu droit à une cérémonie d’inauguration de la plaque réalisée en leur honneur aux Invalides. La réalisatrice martiniquaise Euzhan Palcy, qui a fait en 2005 un documentaire sur eux, Parcours de Dissidents, était là elle aussi.

Harold Hyman et spécialiste de géopolitique