Des centaines de personnes dans la rue pour réclamer la fin de l'état d'urgence

Des manifestants contre l'état d'urgence, à Paris, le 12 mars 2016. - Geoffroy Van der Hasselt - AFP
Plusieurs centaines de personnes ont manifesté samedi à Paris et dans de grandes villes de province pour réclamer la levée de l'état d'urgence instauré après les attentats de novembre, qu'elles estiment "liberticide", "inefficace" et "rajoutant de la peur à la peur".
Dans la capitale, sous un grand soleil, entre 1.100 et 1.300 personnes selon la police ont défilé de Saint-Michel au Panthéon, aux cris de "liberté!", "légitime défiance!" ou encore "état d'urgence, état policier!". Ce rassemblement, à l'appel de plusieurs collectifs ("Nous ne cèderons pas", "Stop état d'urgence"), associations (Cimade, Réseau d'éducation sans frontières, Droits devant!...), rejoints par des syndicats comme la CGT et des partis politiques (EELV, PCF...), était le deuxième organisé dans la capitale après celui du 30 janvier.
"On est tous traumatisés par le Bataclan"
Avec ces mesures, "on donne plus de pouvoir à la police et moins de pouvoir au peuple. La France, ce n'est pas ça", déclare Sarah, 18 ans, en première année de faculté à Paris. Pour cette jeune fille, qui a fait une bonne partie de sa scolarité "dans un pays arabo-musulman", l'état d'urgence "rajoute de la peur à la peur" alors que "nous voulons vivre". François, 34 ans, jugeait, "au départ", l'état d'urgence "sensé". "Puis j'ai pris connaissance des dérives lors de la COP21", lors de laquelle des militants écologistes ont été assignés à résidence, "et ça a commencé à vraiment me gêner. D'autant que s'y est rajoutée la déchéance de nationalité", déclare le jeune homme, monteur vidéo.
Mais les trentenaires qu'il côtoie dans sa vie quotidienne "s'en fichent un peu", admet-il. "On est tous traumatisés par le Bataclan." Dans le défilé, les revendications se multiplient: régularisation des sans-papiers, abrogation de la loi travail, droit au logement pour tous... Suzanne et Patrice, un couple de septuagénaires, s'interrogent sur l'efficacité de l'état d'urgence. "Ça se conçoit lors des premiers jours (après les attentats), mais ensuite? Ça rassure la population mais c'est une fausse sécurité", déclare le retraité de la fonction publique. Qui juge que cette mesure, avec la déchéance de nationalité, risque de créer un climat conforme au "rêve de Daech".
Anciens zadistes
A Lyon, ils étaient 200 réunis sur la place des Terreaux, sous une banderole "Ni état d'urgence, ni déchéance, nous ne céderons pas". Une cinquantaine de personnes ont organisé à Grenoble "un pique-nique festif", sur le même thème. Une centaine de personnes se sont rassemblées à Nice et quelque 150 à Toulouse. Parmi ces dernières, d'anciens zadistes qui avaient occupé le chantier du barrage contesté de Sivens dans le Tarn et dont certains ont été l'objet de perquisitions administratives autorisées par l'état d'urgence.
L'état d'urgence, décrété après les attentats de novembre, a été prolongé de trois mois fin février, malgré les critiques d'associations et du Défenseur des droits. En votant sa prolongation le 16 février, les députés ont fait perdurer un régime d'exception permettant au ministre de l'Intérieur d'assigner à résidence toute personne "dont l'activité est dangereuse pour la sécurité et l'ordre publics" et d'ordonner "des perquisitions à domicile de jour comme de nuit" sans passer par l'autorité judiciaire.