Loi Travail: une manifestation statique serait-elle vraiment plus sécurisée?

Un manifestant place Denfert-Rochereau, à Paris, au milieu des gaz lacrymogènes le 17 mai 2016 - Lionel Bonaventure - AFP
Les opposants à la loi Travail pourront-ils manifester jeudi? Leur dixième journée de mobilisation depuis le début du mois de mars est au cœur d'un bras de fer avec les autorités. En cause: le format de la mobilisation.
Alors que les syndicats ont transmis en fin de semaine dernière une demande officielle pour manifester entre les places de la Bastille et de la Nation, la préfecture de police de Paris a retoqué lundi le projet de défilé. Après les incidents de la semaine dernière - des casseurs ont affronté les forces de l'ordre et l'hôpital Necker avait été vandalisé - les autorités ont demandé un rassemblement statique à Nation "afin de mieux sécuriser la manifestation et de faire en sorte qu'il y ait moins de dégradations".
"Un encadrement policier tout autour"
Pour les forces de l'ordre, ce format aurait l'avantage de garantir plus de sécurité autour du cortège et d'éviter les violents débordements comme ceux qui se sont produits la semaine dernière.
"Vous pouvez mettre un encadrement policier tout autour, donc vous évitez les dégradations sur les commerces environnants et puis vous avez moins de manoeuvres de forces de police qu'avec un cortège qui se déplace sur plusieurs kilomètres", a précisé Nicolas Comte, secrétaire général adjoint Unité SGP Police, pour BFMTV.
Pourtant, les manifestations statiques ne sont pas forcément synonymes de sérénité. En 2013, un rassemblement avenue de la Grande Armée, à Paris, organisé par "La Manif pour tous" contre l'ouverture du mariage aux personnes de même sexe, avait dégénéré. Des dizaines de manifestants avaient finalement décidé de marcher vers les Champs-Elysées. Les forces de l'ordre avaient dû les arrêter avec des gaz lacrymogènes.
"Une souricière qui risque d'accentuer les violences"
De leur côté, les syndicats refusent le compromis et maintiennent leur demande de défilé. Ils dénoncent "une remise en cause d'un droit fondamental, la liberté de manifester". Sans compter qu'ils estiment que ce type de rassemblement statique serait encore plus dangereux.
"Proposer un lieu statique, c'est au contraire organiser une souricière qui risque d'accentuer d'emblée les violences", considère Mohammed Oussedik, membre de la direction nationale de la CGT, pour Le Parisien.
Même réaction chez FO, dont le leader Jean-Claude Mailly ne cache pas son scepticisme. "Je ne suis pas sûr qu'une fan zone syndicale sur la Nation soit plus sécurisée qu'une manifestation (...)", avance-t-il.
"La semaine dernière, ils disaient bien que les fan zones, c'était ce qu'il y avait de plus dangereux, qu'il ne fallait pas rester statique... Je voudrais bien comprendre où on va."
La détermination des syndicats paraît toutefois risquée: en cas de nouveaux débordements jeudi, si la manifestation avait lieu, les organisateurs seraient directement mis en cause.
"J'ai du mal à comprendre que les organisateurs, eux-mêmes dépassés par les événements, ne puissent pas faire le choix de quelque chose qui, en terme d'image, serait positif. Si la manifestation se résume à des images négatives, ils ne seront pas gagnants", estime Jean-Marc Bailleul, du syndicat des cadres de la sécurité intérieure, pour BFMTV.
La menace d'interdiction
Devant le refus des syndicats de se cantonner à une mobilisation statique, la préfecture de police a menacé d'interdire la manifestation. Ce qui a, sans surprise, fait bondir les syndicats.
"Pourquoi on interdirait une manifestation? Il se prend pour qui Manuel Valls? Pour Poutine? On n'est pas dans un pays où on peut interdire des manifestations à des syndicats", s'est indigné Gérard Filoche, membre du bureau national du Parti Socialiste, et militant CGT, sur BFMTV.
Une pétition contre une éventuelle interdiction de manifester a déjà été lancée sur change.org par Jean-François Téaldi, conseiller municipal communiste de Cagnes-sur-Mer. Ce mardi, elle avait déjà recueilli plus de 125.000 signatures.