"Les quantités augmentent, mais la qualité baisse": Emmaüs victime à son tour des dérives de la fast-fashion

Figure du don solidaire en France depuis plusieurs décennies, l’association Emmaüs est aujourd’hui menacée par la fast-fashion. Depuis quelques années, la communauté est submergée par des arrivages massifs de vêtements trop souvent de mauvaise qualité et impossible à redistribuer.
"Celui-là on voit qu'il a été pas mal porté, parce qu'il est assez déformé. Au bout des manches, on voit que c'est sale, c'est jauni", montre à BFMTV Fanny Sztang, encadrante technique textile, au centre de tri de Pantin (Seine-Saint-Denis).
"On ne veut pas vendre des choses qui vont tenir un ou deux lavages et qui à force, vont faire des trous", poursuit-elle, avant de s'emparer d'un énième short en jean à moitié déchiré. "Là, il y a une tâche et ici un joli trou. On ne va pas pouvoir le vendre en l'état.
150 tonnes de vêtements sont collectées chaque année par l'antenne parisienne d'Emmaüs. Pourtant, seul 15% des dons sont réutilisés. En cause, le surplus de vêtements de mauvaise qualité, trop souvent issus des enseignes de la fast-fashion.
"Shein, Primark... On en reçoit énormément. Mais ça ne tient pas le lavage", explique Fanny Sztang devant un amoncellement de sacs de vêtements entassés sur des chariots. "On reçoit tellement de textile qu’on a des difficultés à envoyer cette quantité-là à nos partenaires".
"C'est de plus en plus catastrophique"
À quelques kilomètres de là, le centre de récolte de Montreuil croule sous les dons. "Aujourd’hui, c’est un petit peu particulier, l'endroit est fermé pour les vacances, mais on en profite pour gérer un flux un peu exceptionnel: cette montagne de textiles", explique Maureen Morin, responsable de site, en se dirigeant vers un ramassis de vêtements.
"Les anciens d'Emmaüs nous disent que ça fait bien 20 ans que les quantités augmentent, mais que la qualité baisse. C'est de plus en plus catastrophique", regrette la jeune femme.
Une question se pose à présent: que faire de tout ce stock de vêtements irrécupérables? La réponse reste en suspens. Le surplus de vêtements de mauvaise qualité traduit le mode de consommation des acheteurs.
En 2024, les achats neufs de vêtements ont atteint un record en France avec en moyenne 42 articles d'habillement par personne, a révélé l'éco-organisme Refashion, soit dix millions de pièces neuves achetés chaque jour. Des chiffres, qui s'inscrivent dans une préoccupation écologique et social.
Il y a deux semaines, un des relais partenaire d'Emmaüs en charge de la redistribution des dons a décidé de stopper ses collectes afin de témoigner des problématiques auxquelles il doit faire face, rapporte Maureen Morin.
Depuis, ce centre de dons de Montreuil déborde. "Le vrai sujet, c’est le début de la chaîne. On n’arrivera pas à réguler s'il y a toujours plus de consommation et plus de production", lance-t-elle.
Mais Montreuil n'est pas le seul centre touché. Le 30 juin, Emmaüs a fermé ses locaux dans le Puy-de-Dôme, saturé par le trop-plein de vêtements bon marché.