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Société

Le Qatar investit 50 millions d’euros pour les banlieues françaises

Une banlieue de Nice

Une banlieue de Nice - -

Le Qatar va participer à un fonds destiné à soutenir des projets professionnels dans les banlieues et en zone rurale. « C’est une victoire », se réjouissent des élus locaux.

Le sujet avait fait polémique avant l’élection présidentielle, puis avait été discrètement enterré le temps du scrutin pour ne pas donner de grain à moudre à Marine Le Pen qui avait accusé le Qatar d'investir massivement sur une base communautaire. Le voilà qui revient : le Qatar va bien investir dans les banlieues françaises. Arnaud Montebourg a reçu jeudi soir des élus de banlieues à qui il a garanti que les 50 millions d’euros promis par le Qatar iraient bien en priorité aux quartiers difficiles pour des créations ou développements d’entreprises.

Un mixe entre argent qatari et français

Un soulagement pour l'Association nationale des élus locaux pour la diversité (Aneld) à l’origine du projet. En décembre dernier, ils avaient fait un voyage à Doha et réussi à convaincre l'émir du Qatar de créer un fond d'investissement pour les projets innovants dans les quartiers sensibles.
Le ministre du Redressement productif a toutefois précisé que les 50 millions d'euros qataris devraient s'ajouter à d'autres sources de financement dans un projet élargi, qui ne serait plus seulement destiné aux seules banlieues mais qui pourrait aussi intégrer les zones rurales et des PME en dehors de banlieues.

« Commencez à ressortir vos business plan »

« Il y aura un appel à projets pour trouver l’entreprise habilitée à gérer ce fond, détaille le président de l’ANELD Kamel Hamza. Ce sera un fond qui comprendra à la foi des fonds qataris mais aussi des fonds d’Etat, un mix, donc on est plutôt contents ». Car contrairement à ce qu’on leur avait laissé entendre, le projet pourrait être bien plus ambitieux que prévu. « On était partis sur 50 millions, on apprend que ça peut aller jusqu’à 100 millions. C’est une victoire, aujourd’hui, on peut dire à ces porteurs de projets "commencez à ressortir vos business plan, il va y avoir de l’argent pour créer votre entreprise" », ajoute celui qui est aussi conseiller municipal UMP à La Courneuve.

« C’est le devoir de la République de ne pas oublier ses enfants »

Dans le camp d’en face, au parti socialiste, le point de vue est assez proche. Conseillère municipale PS déléguée à Aulnay-Sous-Bois, Moktaria Kebli est plutôt contente que la France prenne part au projet. « De toute façon, à la base, c’est le devoir de la République de ne pas oublier ses enfants, c’est du bon sens que d’être dans cette démarche ». Enfin, pense-t-elle, elle pourra répondre aux jeunes que la République ne les laisse pas tomber. « Ce sont des discours qu’on entend souvent, « oubliés, exclus, discriminés », un leitmotiv qui revient quand on est en campagne électorale. Aujourd’hui, voilà, il y a une solution qui permet enfin de donner un signe fort ».

« L’ambassade américaine elle-même est très présente dans les banlieues »

Si les élus sont satisfaits, les réticences sont malgré tout nombreuses. Quel intérêt peut avoir le Qatar à investir dans les banlieues françaises, se demandent beaucoup de gens. Pascal Boniface, spécialiste de géopolitique et directeur de l’IRIS, considère que le Qatar « pense que ce sont les élites de demain qui ne sont pas suffisamment mises en valeur, donc qu’il y a un gisement de gens qui pourront être de bons contacts pour l'avenir. Ces gens-là pourront aller travailler au Qatar, ou pourront en tous les cas remercier le Qatar s’il leur a permis de mettre le pied à l’étrier ». Un investissement sur le long terme, donc, qui n’est d’ailleurs pas réservé à l’émirat. « C’est un raisonnement que fait l’ambassade américaine elle-même, car elle est très présente dans les banlieues. Elle constate que la France ne s’en occupe pas suffisamment et qu’il y a pourtant là des gens intéressants à suivre ».

« Le PSG n’est pas devenu le club de l’islam wahhabite »

Quant à ceux qui pensent que le Qatar va en profiter pour promouvoir sa vision wahhabite de l’islam, Pascal Boniface pense qu’ils se trompent. « Ce sont des fantasmes et des rumeurs. On l’a vu au PSG, qui n’est pas devenu un club wahhabite, mais international et le Qatar en France se conduit selon les lois et les règles françaises, en toute transparence. A la moindre dérive, elle serait immédiatement connue et diffusée dans les médias, donc le Qatar ne jouera pas à ce petit jeu-là. Il y a des règles au Qatar, mais en France, il se conduit comme il doit se conduire en France », estime le géopoliticien.

La rédaction, avec Jamila Zeghoudi