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Société

ISF : le gouvernement ne veut pas taxer les œuvres d’art

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La commission des finances de l’Assemblée a adopté un amendement pour intégrer les œuvres d’art dans l’impôt sur la fortune, mais le gouvernement est opposé à l’idée. « Ils sont des mécènes avant tout, ils aident l’artiste parce qu’ils l’aident à produire ses œuvres », défend un représentant des collectionneurs.

Le serpent de mer, écarté en 1982 à la création de l’Impôt sur la fortune et remis « à plus tard », a toujours été repoussé. Et il revient, encore une fois : faut-il intégrer les œuvres d’art dans le calcul de l’impôt sur la fortune ? La question a fait réagir politiques et professionnels depuis l’adoption par la commission des finances de l’Assemblée nationale, mercredi, d’un amendement socialiste au projet de budget visant à inclure les œuvres d'art d'une valeur de plus de 50 000 euros dans le calcul de l'ISF. Il sera discuté en séance publique dans le cadre de l'examen du projet de loi de Finances 2013, qui démarre mardi prochain.
Le gouvernement s'est prononcé contre, et Aurélie Filippetti, ministre de la Culture, assurait que Matignon et l'Elysée ne valident pas l’idée. Jack Lang, ancien ministre socialiste de la Culture, est même monté au créneau pour réclamer le maintien de l'exonération, ainsi que plusieurs députés UMP.

« Quel est le mal d’aider les artistes à produire ? »

Pour Gilles Fucks, le président de l'association pour la Diffusion de l'art français qui regroupe près de 300 collectionneurs, la mesure serait démagogique. « Si jamais un collectionneur fait de l’argent, quel est le mal, à la place d’aller passer des vacances avec bobonne sur la plage, qu’on accumule et qu’on essaye de trouver des œuvres d’art, d’aider les artistes à produire ?, s’interroge-t-il. Si, à la fin, vous avez un petit capital, c’est très répréhensible ? Est-ce que vous croyez que les footballeurs jouent uniquement pour taper sur un ballon ? » Et puis reste la question « technique » qui compliquerait les choses : « Comment évaluer une œuvre d’art ? Au moment où on l’achète, au moment où on la vend ? Elle peut varier à la hausse, à la baisse. En plus de ça, vous serez soumis à une inquisition : on vient voir ce que vous avez, allez montrez-nous ! C’est très déplaisant ».

« Des mécènes » plus que des collectionneurs

Toujours selon lui, « le patrimoine national passé et futur » serait menacé. « Car si on enlève le dynamisme de la scène française, parce que tout à coup les collectionneurs s’arrêtent, ça va être très grave ». Avant de voir de « grands collectionneurs », Gilles Fucks voudrait défendre « avant tout des mécènes. Ils aident l’artiste parce qu’ils l’aident à produire ses œuvres. Et nous sommes très fiers des artistes. S’il n’y en a plus, et si on est obligés d’aller chez le voisin pour trouver "la qualité allemande", c’est quand même ennuyeux ».

Un effet pervers sur le patrimoine français ?

Gilles Carrez, député UMP du Val de Marne et président de la commission des finances à l'Assemblée, est en revanche plutôt favorable à la mesure. Selon lui, il n’y aurait d’ailleurs pas forcément d’effet pervers sur le patrimoine français. « Vous savez, il y a tout un ensemble d’avantages fiscaux qui font qu’il y a beaucoup d’œuvres, y compris des tableaux très connus, qui sont enfermés dans des coffres, des entrepôts, et auxquels le public ne peut pas accéder ». Le député juge aussi que la niche fiscale est injuste contrairement à d’autres taxes bien plus élevées. « Si vous faites une plus-value sur une œuvre d’art, vous êtes taxé trois ou quatre fois moins que si c’est une cession de part d’entreprise, ce n’est pas raisonnable dans un pays où la question de l’emploi est absolument cruciale », estime-t-il.

Reste aussi à définir ce qu’est une œuvre d’art|||

Qu'est-ce qu'une œuvre d'art ? Si la réponse est simple dans certains cas (sculpture classique, peinture, etc.), certains domaines sont plus flous. Le design ou une collection de porcelaine doivent-ils être taxés ? Pour le moment, la loi ajoute le "patrimoine historique" à l'art. Par conséquent, une reliure ancienne ou une voiture de collection sont à mettre dans la même catégorie qu'une toile de maître.

La rédaction avec Thomas Chupin