"Ils réalisent peut-être plus que la parentalité demande un investissement": les hommes qui ont une vision égalitaire du couple veulent moins d'enfants

Un homme avec son enfant - AFP
Le désir d'enfant lié à la vision des rapports femmes-hommes? Une étude publiée par l'Ined, un institut public de recherche en démographie, ce mercredi 9 juillet, affirme que l'envie d'avoir des enfants a nettement reculé en France en 20 ans, ce qui pourrait en partie s'expliquer par une prise de conscience, de la part de certains hommes, de ce que représente la parentalité.
L'étude, parue dans la revue Population et Sociétés, analyse les réponses à l'Etude des relations familiales et intergénérationnelles (Erfi 2), conduite en 2024 sur un échantillon représentatif de 12.800 personnes âgées de 18 à 79 ans en France. L'enquête informe sur "le nombre idéal d'enfants dans une famille" et le nombre d'enfants que les personnes interrogées ont l'intention d'avoir dans leur vie.
Le nombre idéal d'enfants était de 2,3 en moyenne en 2024, contre 2,7 en 1998. Plus précisément, deux tiers (65%) des 18-49 ans considèrent deux comme le nombre idéal d'enfants dans une famille, contre moins de la moitié (47%) en 1998.
Une vision égalitaire associée à un moindre désir d'enfant
Si en 1998, la moitié considéraient que la famille idéale avait trois enfants et plus, ils ne sont plus que 29% en 2024. La norme de la famille à deux enfants reste dominante, mais est de plus en plus considérée "comme un maximum et non plus comme un minimum", selon l'Institut national des études démographiques.
L'Ined a donc cherché des pistes pouvant expliquer ce changement important. L'une d'entre elles pourrait être l'évolution des mentalités concernant la nécessité de rapports égaux entre les femmes et les hommes ces dernières décennies.
En 2024, les répondants qui ont une conception égalitaire des rôles des femmes et des hommes dans la société veulent avoir moins d'enfants que ceux qui ont des conceptions moins égalitaires, alors que cette opinion n'avait aucun effet en 2005. Dans le détail, les personnes ayant une vision égalitaire des rôles selon les genres souhaitent en moyenne 1,8 enfant. Ceux qui ont une vision très inégalitaire veulent quant à eux 2,3 enfants.
Les hommes particulièrement concernés
Et ce constat est encore plus marqué chez les hommes. "Une conception égalitaire des rôles hommes-femmes est aujourd’hui associée à un nombre d’enfants souhaités plus faible chez les hommes, ce qui n’était pas le cas en 2005", affirme l'Ined dans un communiqué. Tandis que chez les femmes, cela ne fait pas de différence.
Milan Bouchet-Valat, co-auteur de l'étude, avance plusieurs pistes pour l'expliquer. "En 2005, l'investissement des hommes dans la parentalité était plus limité et cela avait peu d'implication pour leur carrière. Aujourd'hui, ils réalisent peut-être plus que la parentalité demande un investissement et pourrait avoir un impact sur leur carrière", développe-t-il auprès de BFMTV.com.
L'étude repose néanmoins sur du déclaratif: "ces hommes qui ont des opinions égalitaires ne le sont le plus souvent pas en pratique", souligne Milan Bouchet-Valat. Par ailleurs, "le travail parental repose encore principalement sur les femmes", note le chargé de recherche à l’Ined. "Il est donc logique" que, quelles que soient leurs visions des rapports de genre, "les femmes anticipent plus la charge de travail que cela représente et l'impact pour leur carrière", conclut-il.
Des inégalités toujours marquées
La répartition des rôles reste inégale au sein des couples de parents hétérosexuels. Une étude de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) publiée en janvier montrait que si les pères ont tendance à prioriser la famille dans leur discours, leur vie professionnelle ralentit peu au moment de l'arrivée d'un enfant, ce qui "conduit à une forte asymétrie de la répartition des tâches ménagères et parentales au sein du couple".
La nature des tâches effectuées diffère par exemple selon le genre. D'après cette étude de la Drees, "les pères privilégient les activités parentales plaisantes et tendent à délaisser les tâches peu gratifiantes en justifiant leur implication par une moindre disponibilité ou compétence". Le père va par exemple jouer avec l'enfant, quand la mère préparera le repas.
Une évolution "à l'échelle de l'histoire de la paternité"
Malgré ces inégalités, Christine Castelain Meunier, sociologue au CNRS spécialiste de la paternité, juge que l'analyse publiée par l'Ined ce mercredi est la preuve que la manière dont les hommes voient le rôle de père évolue. "A l'échelle de l'histoire de la paternité, on est passés de la paternité institutionnelle, c'est-à-dire définie par des rôles très différenciés entre l'homme et la femme, à la paternité relationnelle et impliquée. Aujourd'hui, être un père, c'est être présent, même s'il existe toujours des inégalités", affirme-t-elle.
Ces pères font donc un arbitrage qui se solde par une volonté de faire moins d'enfants. "Les pères veulent combiner le moins mal possible le travail et la famille", affirme Christine Castelain Meunier. "Avant, ils sacrifiaient la famille au travail. Combiner le moins mal, cela veut dire avoir la possibilité d'être libres dans cette vie familiale, avec un lien choisi et non contraint", ajoute l'autrice du livre Les hommes aussi viennent de Vénus.
La baisse de la fécondité en France ne repose toutefois pas seulement sur cette évolution des rapports femmes-hommes. "Ce n'est qu'une partie de l'explication", estime Milan Bouchet-Valat, qui évoque aussi les inquiétudes pour l'avenir, climatique par exemple, ou le manque de mode de garde.