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Société

Haute-Savoie : que peuvent dire les fillettes ?

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Seules survivantes de la tuerie de Chevaline, en Haute-Savoie, les deux fillettes pourraient être des témoins clés. L’ainée de huit ans, victime d’un traumatisme crânien, doit être réopérée ce vendredi. La benjamine, qui a passé huit heures sous des corps, est entendue par la police.

Elles sont les seules survivantes. Les seules, peut-être, à pouvoir donner plus d’éléments sur cette affaire trouble : que savent vraiment les deux fillettes retrouvées vivantes près de Chevaline en Haute-Savoie, alors que quatre autres personnes ont été tuées d'une balle dans la tête à côté d'elles ? La première, âgée d’environ huit ans, est toujours hospitalisée. Si son pronostic vital n’est plus engagé, elle doit toutefois subir une autre opération et a été plongée dans un coma artificiel. Selon le quotidien local Le Dauphiné Libéré, la petite fille aurait été violemment frappée et souffrirait d’une fracture du crâne mais n’aurait pas reçu de balle.

L'ambassade de Grande-Bretagne mobilisée

Aux côtés des services psychiatriques, l’ambassade de Grande-Bretagne a fourni du personnel anglophone. « Nous avons des dames de notre service consulaire qui ont parlé avec elle en anglais, explique sur RMC Sir Peter Ricketts, l’ambassadeur de Grande-Bretagne en France. Elles ont passé l’après-midi avec elle et je pense que ça a aidé les services médicaux français d’avoir un appui anglophone ». Dès que l’autre fillette, gravement blessée, sera prête à recevoir des visites, « nous aurons du personnel pour elle aussi », affirme-t-il.

« Cette jeune fille vit un cauchemar épouvantable »

L’autre fillette est a priori sa sœur, les analyses ADN et les autopsies des victimes ce vendredi devraient pouvoir le confirmer. Après avoir passé huit heures sous les jambes de deux corps à l’arrière de la voiture, elle a été retrouvée par la gendarmerie, saine et sauve. Le délai s'explique par le gel de la scène de crime, se sont défendus les enquêteurs, le temps que l'équipe de l'Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN), basé à Rosny-sous-Bois en région parisienne, arrive sur place. « On l’entend dans les conditions d’écoute les plus apaisées possibles, dans un environnement le plus apaisant possible, et cette jeune fille qui réclame sa famille vit aujourd’hui un cauchemar absolument épouvantable », précise Eric Maillaud, le procureur de la République d’Annecy.

« Physiquement, elle va bien. Moralement... »

Difficile, pourtant, d’attendre beaucoup de la jeune fille, traumatisée et sans doute trop jeune pour avoir pris en compte tous les éléments : « Une fillette de quatre ans peut difficilement être un témoin clef, insiste le procureur. Physiquement, elle va bien, moralement, c’est beaucoup plus difficile. Et sur ce qu’elle a entendu, à part des cris, des hurlements et des bruits qui l’ont effrayée, elle ne peut pas dire grand-chose d’autre ».

Un témoignage sérieux

Pourtant, même à quatre ans, la fillette est capable de tenir un discours cohérent et donner un témoignage crédible. Samuel Lemitre, psychologue criminologue et membre de l’Association française pour l’étude du stress et du traumatisme (Alfest), estime que ses propos doivent être pris au sérieux, même s’il y a « des précautions à prendre ». Les mécanismes psychologiques enfantins sont en effet assez différents des notres. « Un enfant de moins de sept ans est un enfant très suggestible. La raison, c’est que les enfants ont tendance à répondre aux attentes des adultes car c’est comme ça qu’ils ont été éduqués, explique-t-il. Ce qui fait qu’un petit enfant, lorsqu’on lui pose une question, même s’il ne la comprend pas précisément, va donner une réponse car il est dans l’intention de faire plaisir aux adultes ».

« Pas de rapport entre la gravité des actes et la guérison »

Reste maintenant à savoir ce que vont devenir ces deux fillettes, probablement orphelines. Là aussi, Samuel Lemitre est optimiste. « On ne pourrait pas dire comme ça, de facto, qu’elle ne s’en sortira pas parce que les évènements sont très graves. Il n’y a pas de rapport proportionnel entre l’intensité, la gravité des actes et la capacité de guérison. Si l’environnement de l’enfant est bienveillant, soutenant, si l’enfant est pris en charge correctement, on a un avantage certain. On observe chez les enfants des évolutions qui sont très rapides car ils sont justement dans des périodes d’évolution psychique ».

La rédaction, avec Victor Joanin