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Femen: l'heure d'un premier bilan

Deux Femen lors de l'action devant la Grande Mosquée de Paris, le 3 avril dernier.

Deux Femen lors de l'action devant la Grande Mosquée de Paris, le 3 avril dernier. - -

Les dernières actions du collectif, devant Notre-Dame et la Grande Mosquée de Paris, lui ont valu de nombreuses critiques. Au fil des provocations, le mouvement Femen, qui fête ses cinq ans, est déjà à l'heure du premier bilan.

Où vont les Femen? Critiquées en France depuis leur action sur le parvis de Notre-Dame-de-Paris, le 12 février dernier, pour "fêter" la démission de Benoît XVI, les féministes aux seins nus se sont définitivement attirées les foudres de l'opinion en brûlant un drapeau salafiste deux mois plus tard, devant la Grande Mosquée de Paris. Une action jugée inappropriée qui a relancé le débat autour de ce mouvement venu d'Ukraine et déjà controversé en France.

L'action de trop?

L'action des Femen devant la Grande Mosquée de Paris, le 3 avril.
L'action des Femen devant la Grande Mosquée de Paris, le 3 avril. © -

"Caricature". Les derniers happenings français du groupe féministe ont suscité plus d'indignation que d'admiration et ont même entraîné le départ de certaines militantes. On leur reproche, çà et là, leur manque de subtilité, leur caricature du combat pour l'égalité ou encore leur message réducteur. De l'action devant la Grande Mosquée -qui leur a valu une plainte- reste une photo, très forte: celle d'un homme, la soixantaine, donnant un coup de pied à une Femen, le poing levé et les seins tagués.

Fronde. Cette manifestation, organisée en soutien à Amina, une jeune Tunisienne qui avait disparu après la diffusion de photos d'elle, a même été remise en question par la principale intéressée. Aujourd'hui séquestrée par sa famille, Amina a ainsi expliqué, dans un reportage télévisé, que cela "peut lui faire du mal en retour". L'action a aussi entraîné la création sur Internet, par des musulmanes, d'un groupe d'opposition aux Femen.

Erreur de cible

Religion. Pour Loubna Méliane, co-fondatrice de Ni Putes ni soumises, qui a contribué au lancement du mouvement en France et participe à certains happenings, les Femen se sont "trompées de mosquée" ce jour-là. "J'aurais trouvé plus intéressant qu'elles aillent dans une vraie mosquée, où prêchent les fondamentalistes", explique cette féministe à BFMTV.com, tout en estimant qu'une telle action "était nécessaire".

Et de souligner: "lorsqu'elles montraient leurs seins pour la démocratie et contre les réseaux de prostitution, ça ne choquait personne. Quand elles ont commencé à s'en prendre aux institutions religieuses, ça a posé problème".

"Ignorance". De son côté, Mona Chollet, journaliste au Monde Diplomatique et auteure de l'ouvrage Beauté fatale, juge cette manifestation devant la Grande Mosquée "pathétique". Ce genre d'action témoigne de "l'ignorance arrogante et revendiquée" des Femen, qui est "désastreuse", justifie-t-elle.

Dans un article publié en mars, la journaliste critique le mode opératoire des Femen, à savoir leurs manifestations seins nus. "Dans le fumeux 'sextrémisme' promu par le groupe, il y a tout à parier que c’est surtout "sexe" qui fait tilter la machine médiatique. […] L'intérêt pour les Femen s'avère parfaitement compatible avec l'antiféminisme le plus grossier", écrit ainsi Mona Chollet.

Un objectif déjà atteint?

"Victoire". Un avis que ne partage pas Loubna Méliane. "Les féministes sont mal à l'aise avec la nudité", estime-t-elle. "L'action des Femen est politique. Le corps y est complètement asexué, désincarné, il est un instrument politique". "On a jamais autant parlé de féminisme depuis que ces filles sont actives en France. C'est déjà une victoire", assure-t-elle.

En phase. Pour la philosophe et historienne de la pensée féministe, Geneviève Fraisse, ce mouvement fait déjà "événement" car il est à la fois "inattendu et historique car beaucoup de pays s'en sont emparés", y compris au Maghreb, ce qui était imprévisible.

Dans le cas particulier des Femen, l'image fait l'action. "On passe à la vitesse supérieure en supprimant les médiations", nous explique Geneviève Fraisse, selon qui les Femen proposent une "stratégie en phase avec l'évolution de l'image en politique".

Médias. Une stratégie de l'image qui pourrait faire la durabilité de leur mouvement au niveau international, selon Galia Ackerman, l'auteure du livre Femen, qui retrace l'histoire des jeunes ukrainiennes à l'origine du réseau. "Si les médias ne rendent pas compte de leurs actions, leur raison d’être disparaît. Mais je ne vois pas pourquoi cela se produirait", juge-t-elle. "Elles innovent tout le temps, et les médias sont toujours à la recherche d’images et de sujets forts".