"Elle est sous les drapeaux de la République", se réjouit une grand-mère après le retour de Syrie de sa petite-fille

"Elle est sous les drapeaux de la République." Après des semaines d'atermoiement, la France a rapatrié vendredi cinq enfants de jihadistes français, "orphelins et isolés", qui se trouvaient dans le nord-est de la Syrie. Parmi eux, la petite-fille de Fatima. La grand-mère - dont le fils et la belle-fille sont morts - n’a encore jamais vu cette enfant âgée de 5 ans, née en Syrie après le départ de ses parents.
Pour Fatima, le soulagement est immense: "Ma petite-fille est en sécurité. Ici, on est dans un pays de loi et je suis très fière qu’elle ait été rapatriée par la France. Je ne remercierai jamais assez le drapeau pour ce geste. J’espère que d’autres enfants seront rapatriés pour que leurs familles connaissent la joie que je ressens", a-t-elle livré ce mardi sur le plateau de Première Edition.
"Renaissance"
Depuis le retour en France vendredi de sa petite-fille, Fatima n’a pas encore pu la retrouver. "Il y a un protocole à respecter. On attend les directives de l’Etat pour pouvoir la serrer enfin dans nos bras", a-t-elle confié, patiente. Tout est prêt pour accueillir l’enfant: une chambre l’attend chez ses grands-parents, résolus à "lui donner l’amour qu’elle n’a pas pour l’instant".
Le temps que les services de police et de renseignements mènent leur enquête, les grands-parents devraient disposer d’un droit de visite, indique Me Samia Maktouf, avocate de familles de jihadistes. Une "renaissance" pour Fatima, qui se dit prête à se "battre" pour accueillir sa petite fille dans son foyer.
En Syrie, les cinq enfants qui ont été rapatriés se trouvaient dans des familles d'accueil ou des camps. Ils sont tous orphelins au moins de mère, même si l'incertitude subsiste sur le sort de certains pères, selon une source diplomatique. Ils sont rentrés à bord d'un avion de l'armée de l'air française. Une geste "humanitaire", a évoqué la semaine dernière Emmanuel Macron. Mais ce geste ne satisfait pas les familles, qui militent pour le retour de ces enfants victimes, selon eux, d'une situation qu'ils n'ont pas choisie.
Exposés à la faim, la soif, le froid et la maladie
Lundi, deux avocats ont annoncé attaquer l'Etat devant le comité contre la torture de l'ONU pour l'obliger à rapatrier des enfants de jihadistes français encore retenus dans des camps en Syrie. Ils condamnent notamment la "règle du ‘cas par cas’" mise en place par l’exécutif. Pour les pénalistes Marie Dosé et Henri Leclerc, "le temps n'est plus aux tergiversations mais à l'urgence humanitaire et sécuritaire".
"En refusant de rapatrier tous ses enfants", la France viole "la Convention internationale contre la torture dont elle est signataire, puisqu'elle les expose directement à des traitements cruels, inhumains et dégradants", soutiennent-ils. "Exposés au froid, à la soif, à la faim", et à des maladies "telles que la tuberculose ou le choléra (...) ces enfants sont en danger de mort, et n'ont pas demandé à naître ou à être emmenés en Syrie. Ils ne représentent un danger pour notre pays que si nous les abandonnons à leur sort", écrivent-ils.
C'est la deuxième fois que l'avocate Marie Dosé saisit l'ONU, après une première plainte déposée en février auprès du comité international des droits de l'enfant avec ses confrères Martin Pradel et William Bourdon, concernant le sort de 40 enfants. L'instance a transmis cette plainte aux autorités françaises pour "recueillir ses observations".
80 enfants français aux mains des forces arabo-kurdes
En France, pays occidental le plus touché par les attentats perpétrés au nom de Daesh, le sujet est sensible. Selon un sondage publié fin février, 89% des Français se disent "inquiets" d'un éventuel retour des jihadistes adultes, et 67% se disent favorables à laisser la Syrie et l'Irak prendre en charge les enfants.
Les initiatives se sont récemment multipliées en faveur des enfants de jihadistes, dont nul ne connaît avec certitude le nombre. Ils seraient plus de 3500 originaires d'une trentaine de pays dans les camps de déplacés, selon l'ONG Save The Children. Fin février, au moins 80 enfants français se trouvaient aux mains des forces arabo-kurdes, selon des estimations de sources françaises non confirmées par les autorités.