"Titeuf n’est pas une bonne manière d’apprendre la sexualité"

Une classe de primaire - -
Des cours d’éducation sexuelle dès l’école primaire ? L’idée pourrait sembler incongrue. Elle est pourtant déjà inscrite dans les programmes scolaires depuis 2001, mais n’a jamais vraiment été mise en œuvre en classe.
Un flop qui pousse le ministre de l’Education Vincent Peillon à lancer vendredi un groupe de travail pour réfléchir jusqu’au mois de janvier à la manière de rendre effectifs ces cours dès la rentrée prochaine. Stéphane Clerget, pédopsychiatre et auteur d’un livre sur le thème de la sexualité et des enfants (*), nous livre ses conseils pour savoir comment expliquer ces "choses d’adultes" aux petits.
Enseigner les prémices de la sexualité en primaire, n’est-ce pas un peu tôt ?
"Ce n’est pas trop tôt, c’est même un peu tard car les enfants se posent les premières questions dès la maternelle ! Il ne s’agit pas de leur parler du Kamasutra, mais de leur expliquer quelques règles de base, sans les effrayer : on ne fait pas l’amour avec des gens de sa famille ou avec des animaux, on ne doit jamais se forcer, on ne doit pas le faire avant l’âge de 15 ans, on peut le faire avec des garçons ou avec des filles, etc."
Peut-on tout dire à un enfant ?
"Pas obligatoirement, je ne suis pas favorable au fait de rentrer dans les détails techniques. Si l’on veut expliquer en quoi consiste le fait de "faire l’amour" à un enfant, on peut évoquer un corps-à-corps amoureux, notamment avec les parties intimes comme le "zizi" et la "zézette", et qu’on ne fait l'amour que lorsque l’on a plus de quinze ans. Si l’enfant insiste sur des termes trop intimes, on peut répondre qu’on lui expliquera plus tard, quand il sera grand. Avant de s’inquiéter de savoir où il a pu apprendre ces termes…"
Que pensez-vous des objets ludiques comme la bd à succès Le guide du zizi sexuel avec Titeuf ?
"Ce n’est pas une bonne façon d’enseigner les choses, l’éducation sexuelle ne doit pas juste être ludique. Il ne faut pas craindre d’apprendre certaines règles de sexualité aux enfants, comme on leur apprend les règles de grammaire. Je ne suis pas contre ce genre de bande dessinée, mais cela traduit la crainte d’affronter le sujet avec l’enfant. Je m’inquiète de penser que certains se contentent de faire lire cette bande dessinée, somme toute assez crue, à leurs enfants sans leur livrer d’explications derrière."
Comprenez-vous que les adultes puissent être mal à l’aise à l’idée d’aborder ce sujet ?
"Bien sûr, je le comprends tout à fait. Il ne faut pas demander d’aller trop loin ni aux parents, ni aux enseignants. A l’école d’ailleurs, des intervenants extérieurs pourraient venir épauler les instituteurs pour l’éducation sexuelle. De manière générale, je conseille de ne jamais rentrer dans le détail, car il ne faut pas placer trop de sexualité entre l’enfant et l’adulte, qui pourrait générer une certaine excitation. Trop parler de sexualité, c’est presque "faire" de la sexualité, et cela peut vite devenir malsain."
(*) Nos enfants aussi ont un sexe, Ed. Robert Laffont.